3 . La « vie physique » en EPS : pour la transmission d’une posture

De l’intérêt des approches relatives à l’EPS repérées aux limites de la perspective du sextant de fortune
La réflexion à la « vie physique » conduit à s’enquérir d’une approche des contenus de l’EPS en vue de donner corps à un principe pédagogique. Ce dernier a été dénommé principe de l’aide au « trans-faire » : il s’agit d’aider le sujet à utiliser ce qu’il a appris pour apprendre encore, de nouveau ou à nouveau. Les approches de J.-P. Famose et M. Durand, de R.A. Schmidt, de J. Le Boulch et de P. Parlebas ont été examinées : toutes se révèlent de nature à contribuer à donner corps au principe de l’aide au « trans-faire » en EPS. Les fondements théoriques de ces différentes approches s’avèrent hétérogènes, discriminants. Elles génèrent, en outre, des propositions relatives aux contenus à enseigner diverses, susceptibles d’être opposées. Les différentes approches en présence sont certes de nature à autoriser une aide au « trans-faire ». Celle de J. Le Boulch, cependant, présente une zone d’ombre essentielle. On repère en outre des limites à celle de J.-P. Famose et M. Durand, comme à celle de R.A. Schmidt. L’approche de P. Parlebas, quant à elle, se révèle à parachever. Elle peut sembler, ainsi, particulièrement intéressante. Elle correspond cependant à une conception affirmée de l’EPS : cette dernière est envisagée en tant que pédagogie de l’action motrice. Or, la stérilité relative de la réflexion à la « vie physique » tient en grande partie à ce qu’elle s’est posée en termes d’oppositions de vues quant à l’EPS. Cela peut dès lors inviter à tenter, de manière pragmatique, de combiner les différentes approches considérées. Il faut cependant convenir que cela revient à organiser une aide au « trans-faire » au moyen d’un sextant de fortune.

De la question de la pertinence des approches en présence à celle de leurs champs de pertinence
On peut alors songer à départager les différentes approches. Cela revient à considérer qu’elles sont concurrentes. Ce qui est cohérent au regard de leurs fondements théoriques et de propositions de contenus qu’elles sont de nature à générer. Il est cependant à observer que toutes ont été jugées présenter un intérêt au plan d’une aide au « trans-faire ». Il est dès lors à considérer que chacune rend compte du transfert ou le prend en compte d’une manière particulière. Or, les approches relatives à l’EPS examinées s’avèrent différer autrement que par les approches des contenus qu’elles induisent. Elles correspondent à des regards différents portés sur le transfert, sinon à des points de vue différents quant au transfert. C’est ainsi que l’approche de J.-P. Famose et M. Durand a rapport au transfert vertical. Celle de R.A. Schmidt concerne, quant à elle, le transfert horizontal. Le propos de J. Le Boulch conduit à envisager le transfert au regard d’un processus longitudinal, c’est-à-dire en relation avec le développement du sujet. L’approche de P. Parlebas, enfin, s’intéresse au transfert de principes d’action motrice. Or, il semble bien qu’on ait là affaire à un phénomène général. L’examen des approches généralistes des contenus de savoir conduit à des constatations du même ordre. Les différentes approches des contenus de l’EPS sont ainsi à interroger de façon première au plan de leurs champs de pertinence.

Un point commun aux différentes approches au regard duquel il s’agit de penser l’aide au transfert
On est ainsi conduit à considérer qu’une approche des contenus visant à aider au transfert est indissociable d’un regard particulier porté sur le transfert. Chaque approche présente certes son champ de pertinence. Toutes, cependant, ont en commun le fait d’autoriser une aide au « trans-faire ». Il convient donc de s’intéresser à leurs champs de pertinence pour s’enquérir de ce qui les rassemble, par-delà ce qui les sépare. Il s’avère que chacune permet la mise en cohérence de points de vue concernant : l’homme, la motricité, l’apprentissage et le transfert. Il en va de l’unité et de la cohérence des différentes approches relatives à l’EPS qui émanent de J.-P. Famose et M. Durand, de R.A. Schmidt, de J. Le Boulch et de P. Parlebas. Il s’avère, par ailleurs, qu’il en est également ainsi d’une approche, en voie d’élaboration, dite approche dynamique de l’apprentissage moteur. On observe, de plus, que chacune des différentes approches généralistes induit une mise en cohérence d’un regard sur l’homme, sur l’apprentissage et sur le transfert. On est ainsi en présence d’un phénomène relativement général. Il convient dès lors de s’y reporter pour réfléchir à la question de l’aide au « trans-faire » au regard de la « vie physique » en EPS.

Une posture dont il convient d’assurer la transmission
Cette réflexion conduit à avancer que l’apprentissage, comme le transfert, correspond, dans la logique de chaque approche, à une adhésion actualisée à un point de vue concernant la motricité et l’homme. Ainsi l’apprentissage et le transfert participent-ils de ce point de vue, comme ils en procèdent. Chaque adhésion actualisée à ces points de vue correspond certes à l’apprentissage ou au transfert. Elle induit aussi, ce qui est essentiel, une perception accrue du point de vue auquel il s’agit d’adhérer pour apprendre ou transférer. Il en va dès lors d’une acquisition fondamentale. Celle-ci est certes minimale au regard de chaque approche considérée ; elle est cependant essentielle pour deux raisons : il est question, d’une part, du fond commun aux approches examinées, il s’agit, d’autre part, d’une acquisition qui est à la base de l’adhésion à un cadre de travail susceptible de générer le transfert. On peut considérer cette acquisition en tant que posture, si on entend par « posture » une position à l’égard de l’activité physique. Elle est de nature à autoriser la mise en place d’un rapport à la pratique physique. S’ancrant en un vécu au plan de l’activité physique, elle invite à la percevoir, puis, peut-être, à la concevoir, comme activité humaine.

Pour la transmission de l’acquisition fondamentale repérée
Elle offre ainsi la possibilité d’envisager que la pratique de l’activité physique fait, par nature, partie de la vie. La transmission de cette posture, cependant, est à envisager au plan de l’aide au « trans-faire ». Elle s’opère en effet à l’occasion de l’apprentissage et du transfert. Ce dernier est ainsi à envisager en tant que fil rouge d’un enseignement visant à cette transmission. Les conceptions relatives à la « vie physique » en EPS en présence ambitionnent certes l’adoption par l’élève d’une attitude favorable à la pratique de l’activité physique. Occultant généralement la question du transfert, on peut penser qu’elles ne se donnent cependant pas le moyen de parvenir à la fin annoncée. L’approche de P. Parlebas semble particulièrement indiquée pour permettre la transmission de l’acquisition fondamentale repérée : elle permet tout à la fois d’éviter l’écueil du sextant de fortune et celui du modèle unique de l’homme, de la motricité, de l’apprentissage et du transfert. L’enseignant est quant à lui invité à attirer l’attention de l’élève sur les éléments pertinents de la situation vécue qui peuvent conduire au point de vue souhaité. L’organisation, interdisciplinaire, d’une mise à distance de ce vécu pour penser son rapport à l’activité physique paraît en outre perspective digne d’intérêt.