Conclusion : Vie physique en EPS et éducation physique pour la vie

1. Question de la vie physique en EPS ou question du transfert pour l’EPS

Deux enjeux pour une réflexion à la « vie physique » en EPS
Pourquoi s’intéresse-t-on à la « vie physique » en EPS, à la fin du vingtième siècle, en France ? Deux raisons majeures sont invoquées pour expliquer cet état de fait. Toutes deux tiennent à ce que l’EPS est discipline d’enseignement et a, à ce titre, une place à tenir dans l’école. Or, l’école est le fait d’une société. R. Feuerstein et M.-B. Hoffman, par exemple, observent que « L’importance de l’éducation institutionnalisée est aujourd’hui un fait reconnu et légitime dans toutes les sociétés progressives »1840. Il est alors attendu de l’école qu’elle satisfasse aux besoins de la société en laquelle elle s’inscrit. Ainsi la société est-elle de nature à influer sur l’école qui peut elle-même générer des effets sur la société. Toute discipline scolaire est alors susceptible d’être jugée à l’aune de son utilité sociale. Aussi peut-on comprendre que les tenants de l’EPS s’inquiètent de la portée des enseignements dispensés en cette discipline. Ils signifient ainsi leur volonté que cette discipline tienne sa place dans l’école, c’est-à-dire qu’elle y demeure et qu’elle fasse oeuvre effective d’éducation. Ainsi avance-t-on qu’il convient d’apporter réponse à la question de la « vie physique » en EPS pour que cette discipline ait longue vie dans l’école. La prise en compte de cette question tient aussi à une ambition affirmée de contribuer à préparer l’élève à la vie.

A la recherche de la question de la « vie physique » en EPS
Que les textes officiels somment les enseignants d’EPS d’oeuvrer en matière de « vie physique » et voilà la pompe amorcée. C’est bien ce qui s’est produit, en France, à la fin du vingtième siècle. Ainsi l’économie des propos relatifs à l’EPS a-t-elle été affectée par la question de la « vie physique ». Les uns et les autres y sont dès lors allés de leurs propositions pour un enseignement relatif à la « vie physique » en EPS. Force est de constater que les suggestions sont tout aussi diverses que nombreuses. Elles paraissent de nature à concerner l’EPS en son ensemble. Chacun semble à la quête d’une formule d’EPS fonction de la question de la « vie physique ». La diversité même des points de vue signifie cependant que la réponse à cette question demeure indéterminée. Nombre d’enseignants d’EPS avouent de fait leur perplexité. Il est vrai que l’expression « vie physique » n’a pas de sens précis dans la langue française. C’est alors dans le champ de l’EPS qu’elle devrait en avoir un. Or, ceux qui écrivent à propos de la « vie physique » en EPS ne la définissent pas vraiment. L’hétérogénéité des avis concernant une EPS qui oeuvrerait en matière de « vie physique » ajoute à la confusion. Si la question de la « vie physique » s’est imposée au plan de la réflexion à l’EPS, a-t-elle été véritablement posée ? Si elle l’a été, est-ce en des termes qui font problème ?

La question de la « vie physique » en EPS en tant que problème
De 1993 à 1998 ont paru en France des programmes et des textes officiels concernant l’évaluation aux examens qui renseignent quant à la question de la « vie physique ». L’expression « vie physique » figure aussi dans nombre d’écrits concernant l’EPS en France, qui ne sont pas textes officiels et sont sortis en cette période. L’examen de ces publications signifie que la question de la « vie physique » est réflexion à un enseignement correspondant à une EPS ayant visée en matière de « vie physique ». Les textes officiels qui assignent à cette discipline visée concernant la « vie physique » légitiment donc cette réflexion. Certains informent quant aux acquisitions relatives à la « vie physique » à évaluer à divers examens. Ces indications, cependant, s’avèrent ne pas suffire à régler la question de la « vie physique » en EPS. Les propos des représentants de l’institution concourent à signifier qu’elle a rapport à une problématique nouvelle pour l’EPS, voire de l’EPS. Ils sont plus discordants, en revanche, lorsqu’il s’agit d’expliciter cette problématique. Les résultats d’enquêtes conduites en 1993 et 1995 ne font pas apparaître de consensus quant à ce qui, dans l’enseignement de l’EPS, concerne la « vie physique ». On peut s’intéresser, alors, à la catégorisation des propositions en présence, pour s’enquérir des éléments de désaccord quant à la « vie physique » en EPS. Il s’avère que l’examen d’essais de catégorisation n’autorise pas leur détermination : il révèle les limites de l’entreprise de catégorisation. Il apparaît que le repérage des possibles quant à un enseignement de l’EPS concernant la « vie physique » fait problème. La question de la spécification des orientations à donner à cet enseignement se pose, en relation.

Le problème de la « vie physique », en EPS
C’est ainsi que la question de la « vie physique » en EPS appelle la détermination d’un moyen au service d’une fin qui est à redéfinir. Si bien qu’une proposition quant à un enseignement concernant la « vie physique » en EPS ne vaut qu’au regard de la définition d’une visée. Il s’agit dès lors de repérer les propositions en lesquelles figurent tout à la fois l’indication de la cible à atteindre et des moyens envisagés pour y parvenir : elles correspondent à l’explicitation de conceptions relatives à la « vie physique » en EPS. C’est à partir de leur mise en regard qu’on peut espérer définir les termes du problème de la « vie physique » en EPS. Quatre conceptions ont été pointées, dont les tenants respectifs sont : G. Cogérino, J. Eisenbeis et Y. Touchard, J. Le Boulch, D. Delignières et C. Garsault. Ces conceptions ont été envisagées, dans un premier temps, au plan d’une éventuelle similarité ou complémentarité. Il s’avère que chacune présente, par rapport aux autres, une cohérence qui lui est propre. Elles se révèlent à considérer comme conceptions concurrentes. Elles ont toutefois rapport à un même objet. Il s’agit alors de s’enquérir de ce qui fonde leur communauté tout en étant à la source des différences constatées. Une nouvelle confrontation des conceptions en présence montre qu’il est, en chaque cas, question de l’accès à un au-delà de l’EPS, voire du temps de la scolarité. La manière d’envisager cet au-delà diffère d’une conception à l’autre, les moyens préconisés pour y accéder, également. La question de la « vie physique » en EPS est ainsi celle de l’au-delà de l’EPS.

De la problématique de l’au-delà à la question du transfert, pour l’EPS
Il reste dès lors à expliquer ce qui fait qu’elle pose problème. On s’aperçoit qu’elle est, en fait, envisagée en fonction de deux pôles : celui de l’au-delà de l’EPS et celui de l’essence ou de l’identité de l’EPS. Cette bipolarité induit un paradoxe. La réflexion à l’au-delà de l’EPS renvoie ainsi à deux catégories d’arguments. Les uns sont affirmation d’un au-delà en tant que « terre promise » pour l’élève. Les autres ont rapport à un au-delà en tant que « spectre » (de la disparition de l’EPS). Ces arguments tiennent à un postulat : ce qui est acquis en EPS vaut au-delà. On considère ainsi que l’EPS aura l’au-delà qu’elle aura mérité. La mise en place de ce postulat est à la source du problème de la « vie physique » en EPS. Elle correspond à la transformation d’une exigence en postulat. Les textes officiels exigent en effet que ce qui est acquis en EPS vaille au-delà. Ainsi, la question de la « vie physique » en EPS fait-elle problème parce qu’elle est posée en des termes qui n’intègrent pas l’au-delà en tant qu’exigence. Elle appelle à s’enquérir de ce qui peut être acquis en EPS qui vaut au-delà, dans une perspective d’éducation. Les conceptions relatives à la « vie physique » en EPS évoquent de fait les thèmes de la pluridisciplinarité, de la transdisciplinarité, de la transversalité et du transfert. Leur examen montre que la question du transfert est première. L’interdisciplinarité se révèle envisagée comme moyen éventuel au service de la transversalité ; l’une et l’autre s’avèrent tenir au transfert. Le problème de la « vie physique » est ainsi question du transfert.

Notes
1840.

Feuerstein (R.), Hoffman (M.-B.), Conflit inter-génération des droits : imposition culturelle et réalisation de soi, in : Büchel (F.-P.), L’éducation cognitive, Le développement de la capacité d’apprentissage et son évaluation, Neuchâtel : Delachaux et Niestlé, collection : Textes de base en pédagogie, 1995, p. 104