3.4 Discussion

L’hypothèse étudiée a trait aux formulations « G / P / x ». Elle concerne sélectivement celles qu’on trouve dans les écrits qui ne sont pas textes officiels et ont été rédigés alors que valait l’arrêté du 24 mars 1993. Selon cette hypothèse, il existe un emploi essentiel des formulations « G / P / x » qui sont, au plan de celui-ci, formulations « vie physique » utilisées de façon préférentielle. L’emploi ainsi envisagé présente deux caractéristiques. Il signifie une prise en compte, originale par rapport aux textes officiels, de la question de la « vie physique ». Il vaut cependant en référence au troisième objectif général que l’arrêté du 24 mars 1993 assigne à l’EPS. Il s’avère que la majorité des formulations « G / P / x » examinées ont cet emploi. Ce dernier est, en outre, le plus fréquent, par écrit comme par source, pour ce qui est des formulations « G / P / x » étudiées. Le calcul des coefficients de corrélation de Spearman indique, par surcroît, des liens positifs et significatifs entre : les distributions, par écrit ou par source, concernant, d’une part, les nombres de formulations « G / P / x » ayant cet emploi et, d’autre part, les nombres totaux de formulations « G / P / x ». Ainsi l’emploi essentiel des formulations « G / P / x » étudiées correspond-il à celui qu’envisage l’hypothèse. Il s’avère par ailleurs que les formulations « G / P / x » se distinguent dans l’ensemble de celles qui ont cet emploi. Elles y sont les plus fréquemment utilisées. Seules, les formulations « G / P / p+f » y sont en nombre supérieur ; on en trouve cependant la quasi-totalité en un seul écrit. Le calcul des coefficients de corrélation de Spearman montre, au sein de cet ensemble, des liens positifs et significatifs entre : les distributions, par écrit ou par source, des nombres totaux de formulations et des nombres de formulations « G / P / x ». On peut considérer, dès lors, que les formulations « G / P / x » examinées sont, dans leur emploi essentiel, utilisées de façon préférentielle aux autres formulations « vie physique » ; cela est conforme à l’hypothèse. Les données recueillies et traitées accréditent ainsi l’hypothèse émise. Cette constatation est à interpréter.

L’emploi essentiel des formulations « G / P / x » étudiées vaut en référence au troisième objectif général que l’arrêté du 24 mars 1993 assigne à l’EPS. Ainsi peut-on songer à cet emploi en tant que résultat d’un processus d’influence. Cela conduit à le considérer, si on se réfère à M. Grawitz1942, comme indicateur d’une communication et de ses arcanes. On peut aussi, en référence à P. Charaudeau1943, envisager que les formulations « G / P / x » concernées participent d’un discours valant en cette communication. Cela incite alors, si on se fie à H.D. Laswell1944, à s’intéresser aux caractéristiques de l’émetteur, du récepteur, de la teneur, des modalités et des résultats du message. L’arrêté du 24 mars 1993 a trait à l’EPS aux examens du second cycle de l’enseignement secondaire. Cela peut expliquer qu’on s’intéresse au troisième objectif général qu’il assigne à l’EPS. On peut penser, en effet, à l’instar de R. Dhellemmes1945 ou B. Boda1946, que les textes officiels concernant l’évaluation certificative ont un impact sur les contenus d’enseignement en EPS. Ces considérations, cependant, ne peuvent suffire à expliquer l’emploi essentiel des formulations « G / P / x » : elles ne rendent pas compte de son originalité.

Cette dernière concerne le thème auquel renvoie cet emploi, qui n’apparaît pas dans les textes officiels. Elle semble liée au fait que l’arrêté du 24 mars 1993 est le premier texte officiel en vigueur dans les années quatre-vingt-dix à assigner à l’EPS visée en matière de « vie physique ». Il est ainsi porteur de nouveauté. G. Cogérino1947, qui cite P. Perrenoud1948, juge que cela est de nature à entraîner « un travail [...] de réinvention, d’explicitation, d’illustration, de mise en forme, de concrétisation ». G. Cogérino, se référant à L. D’Hainaut1949, estime en outre qu’il peut en aller de l’élaboration d’un curriculum. Cela peut expliquer l’emploi essentiel des formulations « G / P / x » examinées. Les formulations « G / P / x » d’écrits produits quand valait l’arrêté du 24 mars 1993 semblent, de fait, ne pas renvoyer à une réalité bien déterminée. Ainsi trouve-t-on en l’un d’eux un paragraphe intitulé : « A la recherche du SGVP », du Savoir Gérer sa Vie Physique1950. On peut lire aussi, concernant la « GVP » ou Gestion de sa Vie Physique : « ‘Pour le moment nous sommes devant une sorte de désert théorique, ce qui ne veut pas dire [...] qu’il faille renoncer à des propositions disciplinaires’ »1951.

Il faut noter aussi que les formulations « G / P / x » sont, en elles-mêmes, inventions rhétoriciennes en regard des textes officiels. Cette catégorie de formulations, en effet, n’apparaît ni dans l’arrêté du 24 mars 1993, ni dans les textes officiels qui, parmi ceux considérés, valent en sa période d’application. Les formulations « G / P / x » paraissent ainsi trouver sens, au regard du troisième objectif général qu’indique l’arrêté du 24 mars 1993, par leur emploi. Il semble signe d’une réflexion à l’enseignement de l’EPS à partir de cette référence. Des mises en sigles, comme « SGVP »1952 ou « GVP »1953 contribuent en outre à donner valeur de signe aux formulations « G / P / x ». Elles ont alors, si on se réfère à T.S. Kuhn1954, l’apparence d’éléments formels constitutifs d’une « matrice disciplinaire ». On ne peut considérer, cependant, qu’elles sont employées sans dissension par les membres du groupe réfléchissant à l’EPS. Elles semblent valoir à l’occasion de tentatives d’explicitation ou de résolution d’un problème concernant l’enseignement de l’EPS. La catégorie « G / P / x » regroupe, au demeurant, différentes formulations. En outre, d’autres formulations s’avèrent avoir un emploi similaire à celui principal des formulations « G / P / x ».

Il semble, en tout état de cause, que les emplois des formulations relatives à la « vie physique » considérées ici réfractent une manière principale d’aborder la question de la « vie physique ». Ils ont rapport à trois thèmes. On a, d’une part, le thème de l’enseignement de l’EPS, auquel renvoie l’emploi essentiel des formulations « G / P / x ». Il en est deux autres : l’un a trait à la visée de l’EPS relative à la « vie physique », l’autre à l’évaluation en matière de « vie physique » aux épreuves d’EPS de différents examens. Les textes officiels indiquent une visée relative à la « vie physique ». Ils renseignent aussi quant à la manière d’évaluer les acquisitions concernant la « vie physique ». Ils donnent encore des informations contribuant à la spécification des acquisitions en matière de « gestion de la vie physique ». Ils n’indiquent pas, cependant, tout ce qui est à enseigner en EPS qui concerne la « vie physique ». Ils ne déterminent pas, non plus, de manière d’enseigner en EPS ce qui a trait à la « vie physique ». Si bien que la question de l’enseignement relatif à la « vie physique » en cette discipline se pose. Aussi peut-on envisager que les formulations dont l’emploi concerne les trois thèmes repérés ont essentiellement rapport à cette question. Enfin, la plupart des formulations examinées valent en référence au troisième objectif général présenté dans l’arrêté du 24 mars 1993. Il en est ainsi pour soixante-quatre d’entre elles, sur un total de soixante-treize. Deux autres textes officiels concernent la « vie physique » parmi ceux valant sur une partie de la période d’application de l’arrêté du 24 mars 1993 : la circulaire du 12 janvier 1994 et l’arrêté du 22 février 1995. Ce dernier a trait à l’EPS dans le primaire ; cela peut expliquer qu’il n’en est pas fait mention dans la Revue EPS ou dans les Dossiers EPS, concernant principalement l’EPS dans le secondaire. La circulaire du 12 janvier 1994, en revanche, a trait aux épreuves d’EPS de différents examens du second cycle de l’enseignement secondaire. Seulement deux écrits parmi les douze étudiés comportent une référence aux données relatives à l’évaluation en matière de « vie physique » qu’on trouve en ce texte officiel. Ils ne renferment qu’un total de sept formulations relatives à la « vie physique ». Ils comportent en outre la référence au troisième objectif général que l’arrêté du 24 mars 1993 assigne à l’EPS. Si bien que la question de la « vie physique » se révèle essentiellement posée en rapport à celle-ci. Cela incite à envisager à nouveau l’emploi des formulations « G / P / x » dans la période d’application de l’arrêté du 24 mars 1993. On peut ainsi le considérer comme signe d’une réflexion à la question principalement posée en matière de « vie physique », en cette période. Cela, cependant, n’indique rien quant au devenir de cette question et de ces formulations une fois l’arrêté du 24 mars 1993 abrogé.

Notes
1942.

Grawitz (M.), Méthodes des sciences sociales, Paris : Dalloz, 10ème édition, 1996, p. 550

1943.

Charaudeau (P.), Langage et discours, Paris : Hachette, 1983

1944.

Laswell (H.D.), L’analyse de contenu et le langage de la politique, R.F.S.P., vol. 2, n° 3, 1952, pp. 505-520

1945.

Dhellemmes (R.), L’EP mise en question par l’évaluation, in : Méthodologie et didactique de l’EP, Editions STAPS, 1989

1946.

Boda (B.), Examens et concours en EPS : instrument de transformation des pratiques, Revue Sciences de l’Education, Caen : CERSE, 1991

1947.

Cogérino (G.), Gérer sa vie physique : contribution des enseignants d’EPS, Université de Caen : Centre de Recherches en Activités Physiques et Sportives, mai 1997, p. 2

1948.

Perrenoud (P.), La fabrication de l’excellence scolaire, Droz, 1984, p. 229

1949.

D’Hainaut (L.), Des fins aux objectifs de l’éducation, Bruxelles : Labor, Paris : Nathan, 1977, p. 23

1950.

Bonnefoy (G.), Contextualisation du thème et problématique de l’université d’été, in : Amicale des enseignants EPS, Op. Cit., p. 11

1951.

Dhellemmes (R.), Vers l’écoute et l’analyse des communications d’enseignants, in : Amicale des enseignants EPS, Op. Cit., p. 20

1952.

Bonnefoy (G.), Op. Cit., p. 11

1953.

Dhellemmes (R.), Op. Cit., p. 20

1954.

Kuhn (T.S.), La structure des révolutions scientifiques, Paris : Champs – Flammarion, 1983, pp. 248-249