L’hypothèse étudiée, qui présente deux dimensions, concerne la réflexion relative à la « vie physique » dans des écrits produits avant la mise en vigueur de l’arrêté du 24 mars 1993. Selon la première dimension de l’hypothèse, l’aspect principal de cette réflexion vaut au plan d’une visée de l’EPS relative à la « vie physique ». D’après la seconde dimension, il est une explicitation préférentielle de cette visée qui est semblable à celle du troisième objectif général qu’indique l’arrêté du 24 mars 1993. L’examen de l’emploi des formulations relatives à la « vie physique » renseigne quant à la réflexion en matière de « vie physique » dans les écrits considérés. Il s’avère qu’il vaut dans la majorité des cas en un propos qui a trait à une visée de l’EPS concernant la « vie physique ». Le calcul des coefficients de corrélation de Spearman indique, par surcroît, un lien positif et significatif entre : la distribution par écrit des nombres de formulations présentes en un propos quant à une visée de l’EPS relative à la « vie physique » et celle de la totalité des formulations en présence. L’examen des énoncés d’une visée de l’EPS relative à la « vie physique » extraits des écrits considérés révèle qu’une catégorie d’énoncés est principalement utilisée. Il s’agit d’énoncés comportant une formulation « O / P / p+f », par exemple : « ‘l’organisation de sa vie physique à tous les âges de son existence ». Il y est question des « connaissances’ » qui ont trait à celle-ci, ainsi qu’à « l’entretien de ses potentialités ». Il s’avère, en outre, qu’on peut ranger l’énoncé du troisième objectif général indiqué dans l’arrêté du 24 mars 1993 dans cette catégorie d’énoncés. Ces données sont ainsi de nature à accréditer l’hypothèse émise. Cette constatation est dès lors à interpréter.
La réflexion relative à la « vie physique » en EPS que réfractent les écrits examinés semble se prolonger une fois l’arrêté du 24 mars 1993 en vigueur. Elle a essentiellement concerné l’explicitation d’une visée de l’EPS relative à la « vie physique » avant la parution de ce texte officiel. Cette explicitation est relativement semblable à celle du troisième objectif général que l’arrêté du 24 mars 1993 a assigné à l’EPS. Or, la réflexion en matière de « vie physique » a évolué une fois l’arrêté du 24 mars 1993 en vigueur. Elle a dès lors essentiellement concerné un enseignement de l’EPS cohérent avec le troisième objectif général indiqué en ce texte officiel. Ainsi peut-on envisager que la réflexion à la « vie physique » en EPS qui a eu cours avant la mise en place de celui-ci a préparé celle qui s’est développée après. On peut en effet considérer qu’elle a favorisé la prise en considération du troisième objectif général qu’il alloue à l’EPS. D’une part, elle peut avoir permis d’anticiper en partie sur l’explicitation officielle de cet objectif ; d’autre part, elle peut avoir contribué à donner de l’importance à une visée de l’EPS concernant la « vie physique ». On peut penser, alors, qu’elle a joué dans la prise en compte effective du troisième objectif général que l’arrêté du 24 mars 1993 indique. Cette interprétation tient à la relative stabilité de l’énoncé d’une visée concernant la « vie physique » dans les écrits considérés. Or, la stabilité de l’explicitation de cette visée semble renforcée par celle d’un système de visées qui l’intègre. L’interprétation des résultats de l’étude effectuée est dès lors à poursuivre en tenant compte de cette observation.
Les énoncés de deux « objectifs généraux » sont fournis dans l’article publié au numéro de la Revue EPS de mai-juin 19892058. L’un a trait au développement des « capacités foncières, organiques et motrices ». L’autre concerne « ‘l’appropriation des pratiques corporelles qui constituent des faits de civilisation ’» ; il est précisé que cette appropriation permet « l’accès à une partie de la culture » et donne « ‘la possibilité de mieux gérer sa vie physique aux différents âges de son existence ». On lit toutefois que « trois objectifs généraux caractérisent les finalités de l’éducation physique et sportive’ » au numéro 8 des Dossiers EPS, publié en 19912059. Les écrits édités après celui-ci et qui concernent les visées de l’EPS contiennent systématiquement la présentation d’un système de trois visées. Les énoncés qui ont trait à celui-ci s’avèrent relever d’une même catégorie. Or, l’arrêté du 24 mars 1993 assigne aussi trois objectifs généraux à l’EPS. L’énoncé correspondant à ces visées se révèle appartenir à la même catégorie que la majorité des écrits examinés qui ont paru après le numéro 8 des Dossiers EPS2060. Ainsi plusieurs écrits signés de l’Inspecteur Général, Doyen du groupe EPS et publiés avant l’arrêté du 24 mars 1993 comportent-ils une explicitation des visées de l’EPS. Celle-ci s’y révèle relativement stable et peut paraître d’autant plus reconnue qu’un des écrits en lesquels on la trouve est signé aussi par le président du GTD EPS. Or, elle préfigure celle qu’on trouve dans l’arrêté du 24 mars 1993. Il est à noter qu’elle anticipe aussi celle des « finalités » de l’EPS au collège que l’arrêté du 18 juin 1996 présente. On peut penser, alors, qu’elle a contribué à la prise de connaissance de l’énoncé des visées de l’EPS qu’indiquent ces textes officiels. Cela invite à envisager qu’elle a préparé une réflexion à un enseignement cohérent avec le système de visées qu’ils assignent à l’EPS.
On peut considérer qu’un processus de communication, auquel C. Pineau a fortement participé, joue à ce niveau. On observe que tous les écrits examinés sont signés de celui-ci. L’échantillon étudié est censé rendre compte des écrits concernant la « vie physique » en EPS rédigés après la mise en vigueur de l’arrêté du 21 février 1980 et avant celle du 24 mars 1993. S’il en est ainsi, alors il faut envisager que C. Pineau a joué un rôle déterminant dans la mise en place de la question de la « vie physique ». On peut alors songer à lire les écrits de l’échantillon en tant que publications rendant compte de l’oeuvre de C. Pineau concernant la « vie physique » en EPS. Leur teneur contribue à expliquer l’intérêt pour la « gestion de sa vie physique » dans les écrits rédigés alors que valait l’arrêté du 24 mars 1993. On note, dans les écrits examinés, que C. Pineau fait généralement référence à son « Introduction à une didactique de l’EPS » pour indiquer les trois objectifs généraux de l’EPS. Il y signifie, après les avoir explicités, qu’ils permettent à l’EPS, « ‘en même temps qu’elle précise son identité, de définir son champ d’intervention ’». Il donne alors une sorte de définition de l’EPS : « ‘Discipline d’enseignement, elle propose, en favorisant le développement et l’entretien organiques et fonciers, l’acquisition de connaissances et la construction de savoirs permettant l’organisation et la gestion de la vie physique à tous les âges ainsi que l’accès au domaine de la culture que constituent les pratiques sportives. ’» On peut ainsi considérer la réflexion relative à la « vie physique » comme signe de la prise en considération du problème récurrent des orientations à donner à l’EPS. Celui-ci renvoie donc à la question de l’essence de cette discipline. On peut envisager alors que le message de C. Pineau a été entendu, qui contribue à asseoir la réflexion relative à la « vie physique » en EPS. D’autant qu’il vaut en une période sensible en laquelle sont en préparation des programmes ainsi que des textes officiels concernant l’évaluation de l’EPS aux examens.
Pineau (C.), Programmes et savoirs en EPS, Revue EPS, n° 216, mars-avril 1989, p. 25
Pineau (C.), Introduction à une didactique de l’éducation physique, Dossiers EPS, n° 8, 1991, p. 13
Il s’agit de :
Pineau (C.), L’évaluation en EPS, Revue EPS, n° 235, mai-juin 1992, p. 46
Pineau (C.), Des principes opérationnels aux programmes, 1 ère partie, Revue EPS, n° 239, janvier-février 1993, pp. 42-43
Pineau (C.), Des principes opérationnels aux programmes, 2 ème partie, Les données d’accompagnement de l’action, Revue EPS, n° 240, mars-avril 1993, p. 43