L'accès au terrain a été facilité par notre insertion dans le GIS Alpes du Nord. Etant en quelque sorte "mandatée" par les responsables professionnels des trois syndicats d'appellation d'origine contrôlée, nous étions immédiatement créditée d'une forme de légitimité par les personnes que nous contactions par téléphone. Toutefois, ce statut comportait certains écueils, notamment d'être jugée comme porte-parole potentiel par les producteurs qui insistaient pour que certaines paroles soient "bien notées, noir sur blanc, pour être sûr que le message sera transmis aux responsables." En outre, nous avions le souci de présenter à chaque fois les objectifs de notre recherche26 car les personnes rencontrées étaient susceptibles de discuter entre elles de ce travail. Quelquefois, des producteurs, avec qui nous avions pris rendez-vous, avaient d'ailleurs invité leurs voisins ou certains membres de leur familles travaillant sur l'exploitation pour que nous puissions "mieux nous rendre compte des pratiques des uns et des autres et pour faciliter les rendez-vous". Ceci a largement contribué à mettre en lumière les réseaux locaux et informels.
Les nombreux travaux réalisés depuis plus de 15 ans au sein du GIS ont été précieux pour appréhender l'agriculture des Alpes du Nord : économie, environnement, microbiologie, politiques publiques. Il nous paraissait indispensable de connaître le contexte agricole de l'ensemble des Alpes du Nord dans la mesure où les orientations des AOC ont des incidences sur les autres productions (et vice-versa). Les travaux antérieurs du GIS ont apporté ces éléments de compréhension générale. Par ailleurs, les travaux en cours nous ont permis de nous inscrire dans une dynamique de recherche et développement, très stimulante pour la réflexion. Ainsi, nous avons participé d'une part à différentes réunions ou comités de pilotage : projet de diffusion des travaux de recherche et de transfert des connaissances, projet de valorisation du patrimoine fromager, discussion sur les programmes de recherche ; d'autre part, nous avons assisté aux assemblées générales des syndicats de défense abondance, beaufort et reblochon ; enfin nous avons suivi et/ou participé à des concours : Salon de l'agriculture (concours de la race Pie Rouge de l'est, avec des éleveurs venant de plusieurs pays européens, Suisse, Italie, Autriche, France), concours de fromages. Nous avons ainsi participé à des jurys de fromages (concours local en tomme des Bauges, concours professionnel en beaufort, concours international des fromages de montagne). Cet exercice s'est avéré particulièrement enrichissant. Durant le concours international des fromages de montagne (Grenoble, avril 1998), faire partie d'un jury était très éclairant sur les différents critères de qualité et d'appréciation des fromages selon les participants. En outre, nous avons pu suivre d'autres jurys et leurs discussions par la suite.
D'une manière générale, l'insertion dans le GIS a encouragé la rencontre avec différents acteurs du monde agricole et a accéléré l'accès au terrain.
Pour les prises de rendez-vous téléphoniques, nous nous présentions soit comme salariée du GIS Alpes du Nord, du SUACI Montagne, ou des chambres d'Agriculture et parfois même seulement comme étudiante, selon les personnes. Mais une fois le rendez-vous pris, nous expliquions en détail sur place notre démarche.