Le Groupement d'Intérêt Scientifique des Alpes du Nord mène depuis plus de 15 ans de nombreux travaux pour identifier et caractériser les populations d'agriculteurs, leurs activités, les tailles d'exploitations, à différentes échelles. Toutefois, pour une approche anthropologique, l'usage de catégories construites à partir de traits individuels durables, indépendant des situations, n'est pas une entrée pertinente. Nous avons donc laissé de côté les méthodes énumératives, correspondant à une vision de la société en terme de catégories27, et nous avons privilégié les réseaux dans lesquels s'inscrivent les acteurs, exprimant une vision en terme de configurations. En revanche, travailler à partir du statut des individus permet de faire émerger le système d'interactions au sein duquel se construit ce statut : qui conseille qui ? Pourquoi ? Dans quelle relation s'inscrivent le "conseillant" et le "conseillé" ? Le système, par rapport auquel se définit la position de l'individu, peut être celui des relations de dialogue, des relations de travail matériel, des appartenances à des groupes formels (type GDA, CETA), des liens familiaux. Ces relations s'exprimeraient notamment en termes de réseaux. De façon pragmatique, nous avons dans un premier temps rencontré les responsables professionnels (syndicats interprofessionnels, directeurs et présidents de coopératives, unions de producteurs fermiers, unions d'alpagistes, unions de coopératives), les responsables techniques (organismes techniques, interprofessionnels ou pas) et les responsables d'organismes de développement (GEDA, GVA, FRGEDA). A partir de ces contacts, nous avons rassemblé un ensemble de listes, tels que les livreurs de lait dans une coopérative, les adhérents à un syndicat ou les producteurs fermiers de la Vallée de Thônes proposant un accueil à la ferme. Nous avons sollicité les différents responsables pour qu'ils nous indiquent des personnes susceptibles de répondre aux questions, en leur demander d'expliciter leur choix : en quoi, selon eux, cette personne était-elle susceptible de répondre à nos questions ? Qui était-elle ? Que savaient-ils d'elle ? Nous avons répété cette procédure auprès de l'ensemble des acteurs que nous avons rencontré tout en confrontant les listes que nous possédions. En comparant ces listes aux informations obtenues grâce à notre insertion locale, nous pouvions identifier les individus n'appartenant pas aux réseaux habituels : de cette façon, nous avons pu mettre en lumière d'autres systèmes de relations, moins visibles ou reposant sur des références distinctes des réseaux classiques. Participant aux travaux de recherche et développement du GIS Alpes du Nord, nous présentions systématiquement la teneur et les enjeux de notre recherche auprès de chaque interlocuteur rencontré. Il nous semblait important d'être bien identifiée sur le terrain pour accélérer et faciliter l'accès à certaines informations. Il s'agissait en quelque sorte de s'intégrer dans les réseaux locaux ou en tout cas de trouver les clés pour ne pas en être exclue : nous avons ainsi entrepris d'analyser en détail les différents groupements, associations, collectifs informels, les leaders, les objectifs et finalités de chacun.
Cette approche, nécessitant une grande implication et une longue durée sur le terrain, a permis de nouer des liens privilégiés avec certaines personnes, facilitant et rendant plus efficaces le travail de terrain : pour exemple, citons le cas des producteurs fermiers qui nous avertissaient lorsqu'une visite était organisée sur leur exploitation, signe que nous étions bien identifiée localement ; les dates des visites n'étaient régulières car elles dépendaient du nombre d'inscrits et de la disponibilité de chaque agriculteur. Ce qui nous intéressait dans cette méthode était de comprendre les relations entre les acteurs, les connaissances ou les représentations que les uns pouvaient avoir des autres et les réseaux (parfois complètement informels donc méconnus) qui existaient. Nous n'avons pas opté pour une analyse fine de la configuration des réseaux car ce n'est pas l'objet de cette thèse, mais nous nous en sommes servi pour appréhender la complexité du terrain et identifier les acteurs.
Nous n'avons pas pour autant ignorer les bases de données disponibles au GIS Alpes du Nord, que nous avons comparées avec nos informations de terrain.