2.3.4. Entretiens et observations

Nous avons mené des entretiens libres parallèlement à des observations in situ. Il est particulièrement difficile d'évaluer le nombre de personnes rencontrées ou le nombre d'observations menées, dans la mesure où nous avons parfois sollicité une même personne à plusieurs reprises, d'autant que les réunions et autres manifestations auxquelles nous avons participé sont également des matériaux ethnographiques. Toutefois, on peut estimer à environ 250 le nombre de contacts pris (entretiens + observations).

Les guides d'entretien variaient en fonction de la personne rencontrée, nous n'avions donc pas de guide-type, à l'exception des informations minimums sur l'exploitation (composition du troupeau bovin, nombre de personnes travaillant sur l'exploitation, provenance de l'alimentation animale), l'atelier de transformation (provenance des laits, nombre de personnes en transformation, volume de fromage, type de commercialisation), ou l'activité professionnelle (activités techniques, administratives, etc.). Les informations préalables que nous avions sur les individus autorisaient cette démarche dans la mesure où nous demandions à chaque personne de préciser en quoi les "autres personnes conseillées" étaient susceptibles d'enrichir notre recherche. En outre, il était fréquent que les réseaux se croisent et que l'on retrouve les mêmes personnes conseillées par des producteurs différents. A ce moment là, nous comparions nos informations pour en évaluer la pertinence.

Nous avons par ailleurs travaillé à partir d'un questionnaire durant l'été 1997 : l'objectif de ce questionnaire visait à faire un état des lieux rapide de la perception et de la connaissance du beaufort auprès de touristes sortant d'une visite libre d'une heure au moins dans une coopérative de la zone AOC. L'analyse des enquêtes a apporté des résultats surprenants et significatifs par rapport à notre question de recherche, ce qui nous a conduite à les exploiter de façon plus poussée que ce que nous avions prévu au départ. Nous présenterons ces résultats dans la partie consacrée aux stratégies de valorisation par l'intermédiaire de l'accueil sur les lieux de production.

En revanche, nous avons très peu utilisé l'enregistrement par magnétophone : outre le temps très long nécessaire à la retranscription, l'enregistrement n'était pas toujours possible sur les exploitations (trop bruyant, trop humide, etc.), en particulier pour les suivis de traite en alpage (bruit du groupe électrogène) ou de fabrication en atelier. La prise de note permet par ailleurs des temps de silence, de changer le rythme des entretiens, ou de solliciter la personne interrogée pour schématiser ses modes d'exploitation de l'espace (situation de l'exploitation par rapport à l'alpage, aux surfaces pâturées et/ou fauchées, etc.).

Nous avons également mené de nombreuses observations, participantes ou non. Nous avons ainsi accompagné des techniciens (contrôleur laitier, technicien fromager, technicien interprofessionnel, inséminateur) sur les exploitations, en vallée et en alpage ; nous avons ainsi suivi l'appui technique et pu interroger l'agriculteur et le technicien. De façon générale, ces observations étaient précédées et suivies d'un entretien mené séparément avec chacun d'eux. En outre, la problématique de recherche nous a conduite à observer et participer à des visites à la ferme et en coopérative, anonymement ou non. Là aussi, des entretiens préalables et postérieurs aux observations venaient en complément. Les transformations fromagères ont donné lieu à des observations très fines des gestes, des rythmes, des paroles et des instruments et ingrédients utilisés, à la fois en fabrication à la ferme et en coopérative pour les trois fromages abondance, beaufort et reblochon. Le suivi en coopérative est plus difficile car les fromagers se déplacent d'une cuve à l'autre, ils s'occupent chacun de différentes phases de la fabrication. En fermier, la relation est plus proche, le producteur passe des temps longs sur la cuve ou sur la table de moulage ; la discussion s'installe plus facilement. Enfin, notre participation aux concours de fromages (Salon de la Montagne de Grenoble, concours locaux) ou à des salons agricoles s'est révélée très riche pour l'observation.

La phase de terrain proprement dite s'est achevée à l'automne 1998, date à partir de laquelle nous avons entamé l'analyse des matériaux de terrain puis l'écriture de la thèse. Toutefois, nous avons également participé parallèlement aux activités du GIS Alpes du Nord.