2.3.5. Des questions épistémologiques

Si, comme le suggère Benedetto Catalgirone, "s'interroger sur la possibilité de comparer l'anthropologie, "science de l'observation" par excellence, à une grande construction en trompe l'oeil (...) n'est pas simplement une question épistémologique importante, mais peut-être aussi un exercice d'hygiène mentale salutaire pour ceux qui pratiquent cette discipline" (1995 : 23), c'est sans doute parce que les ethnologues font peu état réellement de leur implication sur le terrain et de leurs conditions de recherche. Est-ce par crainte de révéler des failles dans l'enquête ethnographique ? Est-ce parce que toute pratique de terrain demeure une expérience très personnelle où l'ethnologue a aussi affaire avec des sentiments, des impressions, des émotions, éléments à proscrire dans une démarche scientifique ? L'analyse comparative du Manuel d'Ethnographie de Marcel Mauss et de la Méthode de l'Ethnographie de Marcel Griaule que propos Catalgirone tend effectivement à montrer les biais et les écueils éventuels de l'ethnographe sur son terrain. Dans le même registre, la publication du Journal de Malinowski a soulevé de nombreuses interrogations et suscite encore aujourd'hui des controverses sur le décalage entre l'implication et les compromissions de l'ethnographe pour obtenir des informations et ce qu'il publie par la suite. Nous posons ici les questions qui méritent une attention particulière, mais le cadre de ce doctorat exige une réflexion épistémologique de fond, que nous engagerons dans la dernière partie consacrée plus largement à la recherche appliquée et impliquée.