3.1.1.2. L'appellation d'origine contrôlée et les autres signes de protection

La notion d'Appellation d'origine contrôlée s'est forgée depuis la fin du siècle dernier au fil des problèmes rencontrés. L'Appellation d’origine protégée (AOP) européenne est assimilée en France à l'AOC et gérée selon les mêmes règles. En particulier, et c'est le point le plus important, l'AOP reste sous l'autorité de l'INAO (Institut national des appellations d'origine), qui partage avec la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) la responsabilité des contrôles.

La définition de l'appellation d'origine date de la loi du 6 juillet 1966 (précisée le 2 juillet 1990) : "constitue une appellation d'origine, la dénomination géographique d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dûs au milieu géographique, comprenant les facteurs naturels et les facteurs humains". Dans les documents relatifs à l'appellation d'origine, l'INAO souligne qu'elle ne peut se confondre avec les notions voisines d'indication de provenance, de l'abel ou de marque commerciale. A la différence de ces diverses dénominations, l'appellation ne peut s'appliquer qu'à un produit dont les qualités consubstancielles résultent à la fois des vertus du terroir et des conditions traditionnelles de fabrication avec leurs règles de savoir-faire qui sont transmises, en se perfectionnant, de génération en génération, c'est-à-dire les "usages locaux, loyaux et constants".

L’Indication géographique protégée (IGP) et l'Attestation de spécificité (AS) n'ont pas d'équivalent dans le droit français. La décision a été prise d'articuler les règlements visant à protéger un lien au terroir ou un mode de production traditionnel avec les signes pré-existants. Ainsi, la demande d'une IGP ou d'une AS sera liée à l'obtention préalable d'un label rouge ou d'une certification de conformité. On notera que l'attestation de spécificité présente peu d'intérêt pour les producteurs dans la mesure où l'on ne protège que des "façons de produire" et non pas un ancrage territorial. La territorialisation apparaît comme un enjeu de premier ordre aujourd'hui, conduisant les producteurs à s'intéresser plus à l'AOP ou à l'IGP. Par ailleurs, tout label rouge mentionnant une origine devra désormais faire une demande d'IGP et de façon générale, on ne peut indiquer une provenance sans qu'elle ne soit dûment contrôlée. En Haute-Savoie, deux IGP occupent une place de choix dans l'agriculture alpine : l'emmental et la tomme de Savoie. Le dossier de demande d’IGP ou d’AS est d’abord examiné au sein de la commission permanente de la Commission nationale des labels et des certifications (CNLC) qui juge si le dossier peut accéder au label rouge ou à la certification de conformité. Dans le cas d'une réponse positive, il est transmis à la commission mixte (comprenant entre autres des représentants de la CNLC et de l’INAO) pour avis sur la demande d’IGP ou d’AS. Lorsque l'on regarde la réaction des pays d'Europe vis-à-vis du cadre législatif, la France a choisi une application très normative de la réglementation. La loi d'application de la réglementation européenne date du 3 janvier 1994. Elle provoque, aujourd’hui encore, beaucoup d'interrogations de la part de tous les acteurs impliqués, tant dans la production que dans les dispositifs de contrôle32.

L'Etat français a une lecture des AOP et des IGP que l'on peut qualifier de "patrimonial" dans la mesure où il octroie une place importante à la dimension culturelle des produits. Ainsi l'INAO, par exemple, dénonce certains aspects de la réglementation européenne qui autorise l'accès à un signe de protection à des produits nouveaux à partir du moment où ceux-ci respectent les conditions énoncées, en particulier le lien au terroir dans son sens géomorphologique. En France, l'AOC reconnaît plus spécificiquement le poids de l'antériorité historique, de la réputation d'un produit, de la tradition et des usages de fabrication et/ou de consommation, conduisant les instances nationales à réclamer un alignement plus fin de la réglementation européenne sur la législation française.

Notes
32.

Une étude comparative a été menée dans les pays d'Europe du Sud particulièrement éclairante sur les différentes façons d'interpréter et d'appliquer les réglementations : Bérard, Marchenay, 1998d.