3.1.2. Contexte de l'agriculture alpine et des AOC

Le territoire rhônalpin présente une grande diversité d'exploitations agricoles. Les surfaces toujours en herbe (STH) occupent plus de la moitié de la surface agricole rhônalpine (SAU) : 957000 ha sur 1744000 ha en 1996. Sur vingt ans, la baisse de la SAU est due pour 80% à celle de la STH. Autre phénomène marquant à la suite de la réforme de la PAC : l'émergence de la jachère et, par contrecoup, la baisse des céréales et des oléagineux. Elle est aujourd'hui presque aussi étendue que les oléagineux ou les vergers. Vignes et vergers se sont restructurés : la vigne au détriment du vin de table, les vergers au bénéfice de l'abricot. Entre 1982 et 1996, le cheptel bovin laitier a diminué de 30%, alors que le cheptel allaitant a doublé depuis l'instauration des quotas laitiers, passant de 84000 à 168000 vaches allaitantes. Le secteur porcin a également baissé mais il a subi parallèlement une forte concentration avec la construction de grosses unités localisées géographiquement. En 1991, à l'échelle nationale, 32 AOC fromagères – dont 3 en Savoie et Haute-Savoie – représentaient 535 entreprises et 1752 producteurs fermiers. Les 152000 tonnes de fromages AOC représentaient 14,5% de la production fromagère française. Autre caractéristique : 2/3 du volume des fromages AOC sont produits en zone de montagne : Massif Central, Alpes du Nord, Pyrénées et Corse.

Les Alpes du Nord possèdent des productions fromagères très diversifiées et chacune d'entre elles s'inscrit dans un système agraire spécifique : il existe des fromages à pâte pressée cuite et mi-cuite (beaufort, emmental, abondance), non cuite (reblochon, tomme, chevrotin), ainsi que des préparations fromagères à base de lactosérum (sérac) et de babeurre. Ces fromages sont au coeur des systèmes productifs et leur fabrication relève de savoir-faire et pratiques techniques transmis d'une génération à l'autre. Certains fromages des Alpes du Nord bénéficient d'un signe de qualité ou de protection (AOC, label régional, IGP) ou en formulent la demande. L'élaboration du statut de chacun d'entre eux se joue dans ce contexte et ce jeu de définition des uns par rapport aux autres interfère sur un certain nombre d'éléments tels que la tradition, le lien au lieu et au temps, la culture technique, les pratiques de production.

Les systèmes de production agricole et de transformation fromagère actuels de la Savoie et de la Haute-Savoie sont marqués par la diffusion des fruitières et des échanges transfrontaliers. Par ailleurs, les conditions climatiques et géographiques ont incité les hommes à développer des modes d'exploitation optimale des ressources naturelles. Ces systèmes agro-pastoraux étaient organisés, selon les régions, de façon collective ou individuelle. Au cours du XXème siècle, l'industrialisation croissante et la recherche du productivisme dans de nombreuses régions françaises ont contraint les montagnards à s'orienter vers des productions de qualité, soucieux par ailleurs de préserver leurs spécificités et de garantir des revenus suffisants pour les agriculteurs. Contrairement aux zones de plaine, les agriculteurs de montagne ont refusé de baser leurs systèmes de production sur la trilogie F.F.P.N. + maïs ensilage + concentrés, même si l'on constate une concentration des exploitations et une productivité accrue dans les Alpes du Nord Dans ce mouvement, on notera que les acteurs du reblochon ont été les pionniers en obtenant l'appellation d'origine contrôlée en 195833.

Notes
33.

Bastard et alii. notent que les imitations dont est victime le reblochon conduisent dés 1951 les acteurs de la filière à se battre pour interdire ces pratiques : ainsi, le décret ministériel de 1953 est le premier résultat concret des actions engagées, puisqu'il définit clairement les caractéristiques du fromage et les conditions d'utilisation du mot "reblochon". En revanche, il ne satisfait pas complètement les agriculteurs puisque aucune zone de production n'est délimitée (1987).