Les objets accrochés sur les murs des exploitations sont différents de ceux que l'on trouve dans les coopératives, qui privilégient une approche plus technique. A défaut de fromager pour expliquer oralement aux visiteurs, pour produire un récit donnant du sens aux objets, des panneaux décrivent les phases de la transformation fromagère. D'autres panneaux présentent les circuits de ramassage du lait en été et en hiver, l'agriculture de la vallée, les fondamentaux de l'AOC et les recherches menées par l'INRA. Parfois, un ancien chalet d'alpage est reconstitué pour témoigner de l'histoire du système agro-pastoral et divers objets sont placés à l'intérieur, tels qu'une baratte en bois, un bidon de lait ou des cercles en bois servant à mouler les fromages. Parfois les bidons sont peints de petites fleurs mais celles-ci n'ont pas de sens particulier par rapport à l'activité agricole, elles ne sont pas représentatives d'une flore particulière ou apétante : il s'agit simplement d'une décoration sur des bidons exposés.
Les expositions dans les coopératives de la zone beaufort sont rudimentaires : les papiers sont jaunis, les couvertures plastiques se décollent, l'effet combiné de l'humidité et de la chaleur cornent les panonceaux, les documents manuscrits ou les surlignages au stabylo mettent en avant l'essentiel.
Les panneaux de la fabrication ne sont pas très explicatifs mais techniques.
On peut lire ainsi :
- "Le « caillé » constitue maintenant une masse équivalente à la quantité de lait initiale mise dans la cuve. Le fromager surveille attentivement l’évolution de son caillé afin de choisir le moment opportun où il va débuter le « décaillage » ; il pratique pour cela le teste de la « boutonnière »."
Les textes des panneaux sont très révélateurs de la façon dont les responsables professionnels, en charge de la communication, appréhendent l'histoire : nous proposons de détailler un exemple191 :
Vous assistez à la fabrication du beaufort, fromage d'appellation d'origine contrôlée de la famille des Gruyères. Même si cette salle a été modernisée, on y retrouve tous les éléments de base de la fabrication traditionnelle qui caractérise le beaufort.
Matière première constituée exclusivement de lait cru non écrémé dont environ 50% sont constitués de lait encore chaud [Cette phrase signifie que la coopérative mélange des laits de deux traites dont une est refroidie à 4°C pour report de 12 heures].
Utilisation de cuves en cuivre [Cette note est intéressante car le caractère traditionnel d'un instrument ou d'une pratique semble pouvoir être daté : les chaudrons ont-ils toujours été en cuivre ? N'y a-t-il pas eu des fabrications dans d'autres matériaux ?]
Emprésurage (coagulation du lait) à l'aide la présure naturelle et traditionnelle issue de la caillette de veau [Quelle place est laissée à la diversité des pratiques ? Les pratiques d'ensemencement sont très variées ; les producteurs savent s'adapter à la variabilité de leurs produits et développent des savoirs et des savoir-faire très spécifiques. D'autres types d'ensemencement ont été essayés, en particulier dans les années soixante, avec la participation de l'INRA. Aujourd'hui, les professionnels du beaufort ne retiennent que celui-ci.]
Moulage et égouttage dans des cercles en bois et toiles de lin avec retournement des fromages pendant le pressage [Ici, on occulte le soutirage sous vide, la mécanisation des retournements, etc. : la sélection des éléments dits traditionnels ne repose dans ce cas que sur des phases de la transformation fromagère, communes à un grand nombre de fromages].
Affinage prolongé (6 à 12 mois) avec salage au gros sel [Le saumurage, pratique récente, n'est pas mentionné alors même qu'il s'est généralisé dans toutes les coopératives].
L'ensemble de la fabrication et de l'affinage est maîtrisé par le savoir-faire des fromagers et des cavistes transmis de génération en génération et qui puise son origine dans la nuit des temps."
Les coopératives, bien que ne présentant pas la même architecture, ont adopté des circuits de visite comparables, le plus souvent une passerelle au-dessus de l'atelier de fabrication. Certaines coopératives ont seulement une grande baie vitrée séparant la salle de visite de l'atelier, tel que l'on peut le constater sur la photographie ci-dessous.
Chaque coopérative a réalisé un film d'une trentaine de minutes sur la fabrication du fromage, les activités dans la vallée, les travaux agricoles au cours de l'année et le folklore local. Cette prestation peut être payante selon les coopératives. A Lanslebourg, l'exposition n'a pas été réalisée par les responsables agricoles : le Parc de la Vanoise a pris en charge la réalisation des panneaux et la conception de la mise en scène.
Dix panneaux à thème présentent le système de production du beaufort tout en l'inscrivant dans le temps et dans l'espace.
Les panneaux à thème
Histoire du Beaufort
Un mode d'exploitation original, le système agro-pastoral
Organisation du système agro-pastoral du Beaufort, une exploitation étagée sur 3 niveaux
Des traditions anciennes, composante de la culture montagnarde
Le lien agriculture - paysage
La paysage agro-pastoral : atout pour le tourisme
Un siècle après l'apparition de son nom, l'existence du Beaufort est menacée
La volonté de quelques agriculteurs a permis l'adaptation nécessaire à la survie du Beaufort
L'agriculture de montagne et la pluri-activité
Plusieurs types d'activités
Quelques extraits témoignent de l'approche plurielle et actuelle de l'agriculture par le service communication du Parc de la Vanoise :
Extrait du panneau n°5 : "Il n'y a de paysage sans paysans. (...) le développement de friches (tapis d'arbustes flexibles) multiplie les risques d'avalanches en rendant le manteau neigeux instable. L'abandon des surfaces entraîne également la présence d'herbe sèche, peu accueillante, et qui favorise les risque d'incendies. Dans les domaines skiables, une prairie entretenue (fauche ou pâture) devient une bonne piste de ski car une faible couche de neige peut être correctement damée".
Extrait du panneau n°6 : "Le Beaufort et le Parc National de la Vanoise : (...) la vie des alpages fait partie de la vie du Parc National de la Vanoise. En fauchant les prairies ou en les faisant pâturer par leur troupeau, les paysans participent à l'entretien des paysages et à la diversité de la flore du pâturage. Le Parc National est un espace naturel mais où l'empreinte séculaire de l'homme reste présente. Ces paysages sont le fruit des relations incessantes entre l'homme et son milieu".
Extrait du panneau n°9 : "En Haute-Maurienne, la pluri-activité saisonnière hivernale concerne 90% des agriculteurs".
En outre, d'autres panneaux et photographies illustrent de façon complémentaire des thèmes plus larges que le système du beaufort, tel que "L'Histoire au fil du lait".
En comparant les formes de mise en valeur selon les coopératives, le regard original par le Parc National de la Vanoise sur l'agriculture tranche avec ce qui est présenté ailleurs. Le service de communication du Parc propose un regard plus distant, plus global sur les activités agricoles et leur lieu avec les autres activités.
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