1.1. Histoire de l’écriture

1.1.1. Naissance de l’écriture et de l’alphabet

Il est difficile de dater l’origine de l’écriture. De même, il est difficile de fixer une époque pour l’apparition du langage. Cependant, on peut distinguer deux grands modes d’expression que l’être humain semble avoir connus quasiment depuis ses origines : la gestualité et la picturalité. Le premier comporte des systèmes par définition fugaces, dont la parole fait partie ; le second, des systèmes qui peuvent perdurer.

On pense que les structures du langage se sont développées en même temps que l’homme se dressait sur ses membres inférieurs et développait une activité manuelle. On peut donc supposer que l’australanthrope ou le sinanthrope pouvaient parler mais on ignore, en fait, quand l’Homme a mis cette faculté en pratique .

Les premières traces d’une picturalité comme moyen d’expression sont constituées, pour certains, par les mains négatives de Gargas peintes sur les parois des grottes et qui datent de l’aurignacien, au début du paléolithique supérieur. Ces mains présentent des combinaisons variables de doigts “ amputés ”. Elles semblent montrer que dès cette période, environ quarante mille ans avant notre ère, les hommes ont souhaité transcrire graphiquement un code qui leur servait à communiquer (L.J. Calvet 1996)[27].

La subordination de l’écrit au gestuel commence peut-être là.

L’homme a certainement ressenti très tôt la nécessité de retenir le langage oral par différents moyens, notamment graphiques ; bâtons entaillés, cordelettes nouées ont également servi dans ce sens. Mais c’est à partir du moment où il devient sédentaire, s’établit le long des fleuves, pratique l’agriculture, que naît véritablement l’écriture, d’abord pour conserver un témoignage d’actes de la vie sociale (inventaires, échanges, contrats) puis pour communiquer au delà du lieu et du temps présents, enfin pour remplacer la tradition orale et conserver la mémoire sociale et pour servir la pensée et la réflexion individuelle.

Au défi constitué par la fugacité des paroles, l’homme a trouvé, en des temps et des lieux différents, des solutions différentes qui semblent bien être une manifestation de la créativité humaine.

Ainsi sont nés les différents systèmes d’écriture que l’on connaît, pictogrammes sumériens en Mésopotamie, hiéroglyphes égyptiens, idéogrammes chinois, glyphes mayas... et peut-être d’autres qui ne sont pas parvenus jusqu’à nous.

Classiquement, on considère que les pictogrammes sumériens (dont on a des traces dès le quatrième millénaire avant notre ère) constituent le plus ancien système connu, devenu, avec l’usage de roseaux taillés pour imprimer des coins dans l’argile, le cunéiforme. Ce premier système d’écriture servit ensuite à transcrire d’autres langues que le sumérien, notamment l’akkadien puis d’autres langues sémitiques. Au début pictographique, le système évolue rapidement sur la voie du phonétisme, d’autant plus facilement que le monosyllabisme dominant dans le vocabulaire sumérien rend facile le glissement du mot au son. L’organisation particulière des langues sémitiques, dont les racines sont consonantiques, le plus souvent trilitères, favorise également l’évolution du système, d’abord vers une écriture syllabique puis, probablement, par acrophonie, vers un alphabet.

Pour certains auteurs (Calvet, 1996 [27]), les différents alphabets que nous connaissons auraient une origine unique, pictographique. On note cependant peu de ressemblance entre les deux alphabets les plus anciens dont on ait des traces, l’alphabet cunéiforme ougaritique et l’alphabet linéaire protosinaïtique, datant l’un et l’autre du milieu du second millénaire avant notre ère.

En ce qui concerne le code que nous utilisons, la filiation entre les alphabets protosinaïtique, phénicien, grec et latin est très probable et s’appuie sur des convergences de forme, de nom et de valeur des lettres.