1.4.2. Différents types d’agraphies

Même si les processus impliqués dans l'écriture sont très complexes et supposent de multiples interconnexions, le modèle de Strub et Geschwind, 1983, [149] en présente une simplification intéressante, en permettant un classement simple des différents types de perturbations de l'écriture que l'on rencontre.

Ce modèle décrit trois étapes dans l'écriture:

  • d'abord production mentale d'un message,
  • puis transformation des sons mentaux du langage intérieur en un système de symboles lettres ou graphèmes,
  • enfin transformation des symboles visuo-spatiaux en programmes moteurs (engrammes) qui guideront la main, mettant en jeu les différents systèmes d'expression motrice, de programmation spatio-temporelle et de contrôle visuo-moteur, impliqués dans l'écriture.

Des altérations aux différents niveaux du modèle de Strub permettent de reconnaître les différents types d'agraphies classiquement décrits, que l'on peut regrouper en deux grandes catégories:

  1. atteintes de la fonction linguistique:
  • Agraphies aphasiques associées à un trouble du langage fluent ou non fluent.
  • Agraphies isolées, sans atteinte du langage oral, avec ou sans atteinte de la lecture (agraphie pure, alexie-agraphie).
  1. atteintes de la fonction motrice:
  • Agraphies apraxiques où les lettres sont méconnaissables du fait de l'incapacité à réaliser les graphèmes par perte ou inaccessibilité des engrammes moteurs.
  • Agraphies visuo-spatiales où les mots et les phrases sont lisibles mais où l'orga­nisation de la page , parfois celle de la lettre , est très perturbée.

Ces agraphies sont en rapport avec une lésion du carrefour pariéto-temporo-occipital de l'hémisphère non dominant.

Les agraphies aphasiques sont de différents types:

  1. L'agraphie aphasique associée à l'aphasie de Broca est caractérisée par une production réduite, des difficultés à former les lettres, un agrammatisme. Son étude est rendue difficile du fait de l'hémiplégie droite (on fait utiliser la main gauche ou des lettres mobiles). Les erreurs sont de différents types : paragraphies littérales (table, tacle), dysorthographie, omission de lettres.
  2. L'agraphie associée à l'aphasie de conduction lui ressemble mais le graphisme et la syntaxe sont mieux préservés, les paragraphies littérales particu­lièrement nombreuses (on parle parfois de jargonagraphie) avec toutefois une grande variabilité.
  3. Associée à l'aphasie transcorticale motrice, on a généralement une agraphie dont le caractère dominant est la réduction ; parfois le graphisme est maladroit. Des erreurs, plutôt sous la forme d'omission de lettre ou de mot, sont possibles, de même qu'un agrammatisme.
  4. L'agraphie peut se rencontrer dans le cas d'une aphasie amnésique pure, par perte de la valeur sémantique des mots ; elle est caractérisée par le manque du mot, parfois des erreurs dysorthographiques.
  5. Enfin les agraphies associées aux aphasies sensorielles ou à l'aphasie de Wernicke ne montrent en général pas de troubles du graphisme, les caractères sont bien formés. La production est abondante mais dysorthographique avec de nombreuses paragraphies littérales ou verbales (alors formelles (lapin, sapin) ou sémantiques (table, chaise)). Quelquefois les paragraphies sont si nombreuses, qu'on parle de jargonagraphie ; il arrive que le langage écrit soit totalement aboli. Les mots grammaticaux sont généralement mieux préservés que les substantifs, de même que la structure grammaticale de la phrase.