1.5. Ecriture et traits de personnalité

L’intérêt manifesté pour l’étude de l’écriture en psychiatrie n’est pas récent : en 1945, les résultats de l’étude d’Eysenk, [58], publiés par le British Journal of Psychology, montrait 68% de concordance entre les réponses des patients à un test de personnalité et les déductions d’un graphologue d’après l’écriture des patients.

Avant lui, Alfred Binet, s’assurant le concours de Crépieux Jamin et d’autres graphologues, avait conclu, à la suite d’expériences menées avec eux, à l’intérêt de la graphologie et de l’application des méthodes expérimentales à l’étude de l’écriture.

Les travaux de J. Salce (1972)[133], et d'autres ultérieurs, tendent à valider les significations psychologiques attribuées aux variables graphométriques.

Cependant de nombreuses études, visant notamment à corréler les résultats de tests graphométriques et ceux de tests projectifs manquent de crédibilité et de rigueur sur le plan méthodologique.

L'étude de P.Gilbert et Ch. Chardon [77] en est, de ce point de vue, un exemple. Son intérêt est toutefois de considérer la fréquence avec laquelle on rencontre, plutôt qu’un signe, le regroupement de plusieurs signes, associé à tel ou tel trait de personnalité.

En pathologie, un même symptôme peut se retrouver dans des affections diverses, il en va de même des signes qui apparaissent dans l'écriture et il est plus judicieux de les mettre en rapport avec un symptôme plutôt qu'avec une affection ; de même, c'est la réunion de plusieurs signes qui prend un sens. Ainsi, l'équipe du service de Neuropsychiatrie du CHRU de Besançon, dirigé par le Professeur Volmat, a mis en évidence un ensemble de signes susceptible de se retrouver en cas de tendance suicidaire ou d'agressivité, d'angoisse, de repliement, d'inhibition motrice, ou au contraire d'impulsivité, d'excitabilité (Belin et al., 1975, 76, 78, 79). [10-11-12-13].

D’autres études portent sur les comportements phobiques et obsessionnels, les troubles des conduites alimentaires, l’anorexie (Belin, 1979, [14] Villard, 1983, [152], De Castilla et Bastin, 1988, [52],). Toutes dégagent des profils de scripteurs propres à ces diverses pathologies, décrites dans de nombreux ouvrages, notamment ceux de Faideau [61], Bastin et De Castilla, [8], qui mettent en rapport les traits de la personnalité et les caractères de l’écriture (Annexe A).

Ces auteurs abordent également les troubles de l’écriture qui accompagnent certaines affections somatiques, non seulement neurologiques mais aussi cardiaques, respiratoires (Villard 1983) [152], et dermatologiques (Pomey-Rey, De Castilla, 1980) [117].

Selon ces auteurs et d’autres également (Stein-Lewinson, 1984) [148], les altérations du trait (tremblements, épaississements, interruptions…) sont plus importantes et plus fréquentes que celles de la forme, dans les affections organiques. En revanche, les perturbations de la pression se voient aussi bien dans des affections organiques que psychiatriques.

De plus, il s'avère que les anomalies de l'écriture constituent parfois un symptôme qui permet de juger de l'évolution d'une affection, psychiatrique ou somatique (Volmat et al ., 1986, 1989 [157], [158], Belin et al.,1984, [15], Cohen et al., 1993, [35]), c’est ce que nous avons vu également dans le cadre de la maladie d’Alzheimer.

De manière générale, il semble intéressant de considérer qu'en écrivant, le scripteur produit un ensemble de signaux, qui sont loin de se limiter au message transcrit dans les mots et que ces signaux, du fait de la très grande complexité de l'écriture, constituent la production d'un comportement qui reflète assez bien l'état du sujet, du point de vue neurophysiologique et psychologique, si on tient compte des conditions dans lesquelles il est produit.