2.2.3.2. Mise en évidence d’un effet à long terme du type de placenta.

D’autres études ont recherché un éventuel effet à long terme de cette variable de l’environnement intra-utérin.

La première, l’étude de Melnick et al., en 1978 [101], a montré la possibilité d’un tel effet sur l’efficience intellectuelle chez les monozygotes. Dans cette étude il apparaît, au delà de six ans, des différences intra-paires significativement plus grandes chez les dichorioniques. Ces résultats ne sont pas retrouvés chez des enfants plus jeunes (Welch, Black et Christian, 1978 )[160].

On peut penser, comme Rose, Uchida et Christian l’ont fait [129], que la différence de poids à la naissance, plus importante au sein des couples de jumeaux monochorioniques, joue un rôle important les premières années à la fois dans le développement mental et moteur et que cet effet s’estompe ensuite. Pour cette raison, ils ont comparé (Rose et al., 1981) [129] les résultats de jumeaux adultes (28 paires DZ, 32 paires MZ réparties en 17 paires MC, 15 paires DC) à deux sub-tests du WISC-R de Wechsler : le sub-test Vocabulaire et le sub-test Cubes. Les comparaisons intra-paires montrent que, globalement, les jumeaux MZ se ressemblent plus que les DZ ; ce résultat est vrai pour le test de vocabulaire, quel que soit le type de placenta, mono ou dichorionique tandis que seuls les couples de monozygotes monochorioniques se ressemblent plus que les dizygotes pour le test des cubes. Ceci est en faveur d’un effet de l’environnement intra-utérin sur le test des cubes, indépendant des facteurs génétiques.

Ce résultat est confirmé par les travaux de Beekmans et al., en 1993,[9] qui montrent un effet du type de chorion sur les épreuves entrant dans le QI de performance du WISC-R et pas sur les épreuves du QI verbal.

D’autres auteurs se sont intéressés à l’effet du type de placenta sur les empreintes palmaires et plantaires.

Les dermatoglyphes se constituent tandis que se forment puis régressent les coussinets digitaux, palmaires et plantaires, et que se développent les crêtes, à la jonction derme-épiderme, au cours des troisième et quatrième mois de la vie intra-utérine. Il faut noter que cette période est également une période importante pour la mise en place des éléments du système nerveux.

Le compte total des crêtes au niveau des doigts (TFRC : Total Finger Ridge Count) est considéré comme un exemple du contrôle d’un trait par plusieurs gênes ayant des effets additifs. Il n’est donc pas étonnant de constater que les jumeaux monozygotes se ressemblent plus que les dizygotes pour le TFRC. Toutefois on note que les différences touchant au nombre total de crêtes, à l’intérieur des paires monozygotes, sont variables : Bracha et al., 1992, [21] montrent que les couples de jumeaux monozygotes discordants pour la schizophrénie présentent des différences intra-paires plus grandes que les couples de jumeaux où aucun n’est atteint. Les dermatoglyphes semblent donc également influencés par des facteurs de l’environnement, ce que tend aussi à démontrer les asymétries qui existent très souvent entre les empreintes droites et gauches de tout individu (dites asymétries fluctuantes). On peut supposer que ces asymétries, de même que les différences intra-paires chez les monozygotes, sont le reflet de perturbations dues à l’environnement utérin au cours des troisième et quatrième mois de la vie fœtale.

Théoriquement les empreintes devraient être identiques à droite et à gauche : plus l’asymétrie est importante, plus on peut penser que l’action de l’environnement s’est fait sentir. Une étude portant sur les monozygotes et comparant un groupe de jumeaux pour lesquels l’asymétrie était importante, pour un au moins des co-jumeaux, avec un groupe où l’asymétrie était faible, a montré que lorsque l’asymétrie était importante les sujets présentaient également plus de différences intra-paires au MMPI (Minnesolta Multiphasic Personality Inventory) (Rose et al., 1987) [130].

Il existe un effet du type de placenta sur le degré d’asymétrie fluctuante, les monozygotes monochorioniques ayant un degré d’asymétrie plus important (Bogle et al., 1994) [18].

Par ailleurs, quand on considère les monozygotes, il apparaît que, pour certains groupes de dermatoglyphes, il y a plus de différences intra-paires chez les dichorioniques alors que pour d’autres groupes, les différences sont plus grandes chez les monochorioniques (Reed, Uchida et al.,1978 [122] ; Reed, Evans et al., 1979 [123] ; Reed et Young, 1982 [124]).

S’il semble bien que la structure des dermatoglyphes soit influencée par les facteurs d’environnement, il paraît difficile de concilier l’ensemble de ces données, concernant diverses influences et leurs relations avec le type de chorion.

Reed et ses collaborateurs considèrent que la structure des dermatoglyphes peut être un élément de diagnostic rétrospectif du type de chorion chez les jumeaux monozygotes. Des résultats complémentaires, recueillis avec Spitz et Carlier, ont fait apparaître qu’un tel diagnostic n’était malheureusement pas fiable (Reed et al., 1997 [126])

Ils sont également à l’origine d’études visant à mettre en évidence un effet à long terme du type de chorion sur le taux de certaines composantes du cholestérol ainsi que sur la mesure du comportement de type A, en faveur d’une plus grande ressemblance des monochorioniques (Reed, Carmelli et Rosenman, 1991 [125]). Mais dans ces études, le type de chorion étant établi rétrospectivement avec une fonction discriminante utilisant les dermatoglyphes, il existe un risque d’erreur non négligeable.

Le laboratoire de Génétique Neurogénétique Comportement (alors URA CNRS 1294 à Paris), avec lequel nous collaborons, s’est également attaché à l’effet de cette variable de l’environnement intra-utérin auquel il a donné le nom d’ “ Effet Chorion ”.

Les études, conduites dans ce service dès 1991 (sur 80 paires de jumeaux), ont testé l’effet chorion sur des variables anthropométriques à la naissance, comme on l’a déjà dit, mais aussi à long terme. Elles montrent, en ce qui concerne le poids, chez des enfants âgés de 10 ans en moyenne, une différence intra-paire plus importante chez les monozygotes monochorionique que chez les dichorioniques, comme à la naissance ; mais elles retrouvent également cette différence pour la taille et les index pondéraux alors qu’il n’y avait pas de différence significative à la naissance.

Ces études (Spitz, 1994, [143], Spitz et al., 1996 [145]) ont également porté sur le développement cognitif et la latéralité des jumeaux avec, en ce qui concerne le développement cognitif, des résultats assez analogues aux études antérieures, montrant pour le sub-test des cubes une ressemblance plus grande des monochorioniques, sans différence significative portant sur d’autres tests (subtest Vocabulaire du WISC-R, échelles de processus mentaux du K-ABC (Kaufman Assesment Battery for Children), tests de perception (dont rotation mentale), test d’attention de Cornblatt).

Nous notons donc, concernant les fonctions cognitives, un effet du type de chorion qui semanifeste pour certaines fonctions et s’exerce à l’opposé de ce que l’on constate concernant les variables anthropométriques.

Etudiant la latéralité, Carlier et al., (1996) [31] utilisent trois tests : l’épreuve de pointillage adapté du test de Tapley et Bryden (1985) [151], le test de frappes répétées, adaptation du tapping test (Carlier et al., 1993) [29], et enfin le test de déplacement de chevilles mis au point par Annett. Aucun effet chorion n’a été observé sur l’ensemble de ces tests.

Nous avons, pour notre part, contribué à l’étude de la latéralité manuelle pour l’écriture et testé l’effet du type de chorion sur les paramètres qui la caractérisent.