2.4.1. Construction de l’identité chez les jumeaux.

Le partage de la mère, très précoce, est un facteur important de la construction de l’identité des jumeaux, monozygotes aussi bien que dizygotes, qui peut s’effectuer de plusieurs façons.

Leur lien étroit peut les amener à une identification mutuelle où chacun se conduit de manière identique, accentuant les ressemblances. Ceci peut s’expliquer par la frustration inhérente au partage trop précoce de la mère compensé par la relation gémellaire, avec alors des difficultés à résoudre la phase de séparation individualisation. Les jumeaux peuvent soit s’identifier fortement l’un à l’autre, soit développer des identités complémentaires et dépendantes l’une de l’autre.

Un fort lien libidinal est à l’origine de troubles de l’identité par manque de précision des limites de soi, pouvant s’accompagner d’expériences de dépersonnalisation lors de la séparation des jumeaux.

La construction de l’identité peut aussi se faire par rivalité et différentiation, du fait que la mère doit partager sa disponibilité entre les deux enfants (Burlingham D., 1949) [25]. La rivalité est une constante de la relation gémellaire, la présence du co-jumeau étant forcément vécue comme une gêne, responsable de frustration de façon extrêmement précoce. Le sentiment de rivalité est encore renforcé dans la résolution de l’Œdipe.

Le jumeau se trouve donc dans une situation ambivalente et l’identité peut se construire avec des sentiments oscillant entre le besoin de maintenir le lien gémellaire et celui de distanciation.

L’identification qui s’opère avec le co-jumeau est souvent à l’origine d’un retard de maturation des enfants. Ainsi, par exemple, Irène Lézine [95] et par la suite René Zazzo [167] ont pu noter qu’à l’âge de deux ans 60% des jumeaux ne parviennent pas à dire leur nom. Ces auteurs, et d’autres ensuite, ont constaté un retard considérable dans l’usage des pronoms personnels et également un degré de confusion entre les jumeaux (ils répondent l’un pour l’autre, par exemple). Tout comme l’identification avec la mère, celle avec le co-jumeau doit être dépassée pour que se constitue correctement le moi du sujet. Ce n’est qu’à ce moment là que les relations avec les objets extérieurs seront possibles. Si l’identification à l’autre jumeau est trop forte on verra un retard à la constitution du moi du sujet.