3.3. Influence de divers facteurs sur l’écriture

L’étude chez l’adulte nous apporte, en outre, des informations concernant l’organisation de l’écriture et l’influence de divers facteurs.

Elle nous a permis de vérifier un certain nombre de relations entre les différents paramètres retenus pour caractériser l’écriture ; on retrouve la corrélation classique et positive entre L et V, (Saudeck, 1929[135] ; Michel, 1976, [105]) mais il apparaît aussi qu’une grande écriture nuit à la rapidité d’exécution de la tâche. Cette corrélation, négative, n’était pas significative lors d’une précédente étude chez l’adulte (Faure, 1992) [62], alors qu’elle est confirmée ici sur un plus grand nombre. L’absence de corrélation avec la juxtaposition va plutôt dans le sens des données de la littérature, sauf en ce qui concerne la relation de cette variable avec la longueur du fil graphique (F.Michel [105]) : nous ne retrouvons pas, dans notre étude, de relation entre le degré de liaison et la dimension du graphisme. Ce résultat est par contre conforme à celui que nous avions obtenu en 1992.

L’analyse factorielle des résultats nous a permis de retrouver les facteurs principaux déjà identifiés lors d’études précédentes (Faure 1992,1994,1996) [62-63-64].

Le premier facteur apparaît plutôt comme “ vertical ”, en lien avec la pression et l’implication du scripteur. Le second facteur est plus en rapport avec l’appropriation de l’espace. Il faudrait sans doute pouvoir accéder à d’autres indices, concernant notamment la forme et la continuité de l’écriture, pour pouvoir qualifier et interpréter au mieux les autres axes sur lesquels les paramètres dont nous disposons sont moins bien représentés.

Nous n’avons pas étudié les différences intra-paires en relation avec les facteurs chez l’adulte, du fait des contraintes portant sur le choix des paramètres (nous avions dû, notamment, renoncer à mesurer les indices relatifs à la dimension fractale pour des raisons techniques) et aussi parce qu’il nous paraissait plus important, dans un premier temps de nous consacrer à l’étude plus fine des influences sur les paramètres eux-mêmes. Ce choix s’est fait également en fonction de l’importance des données concernant la latéralité, dont le traitement alourdissait considérablement l’étude.

Les influences des diverses sources de variations prises en compte dans l’étude nous aident également à mieux comprendre les relations entre les paramètres.

Il apparaît dans cette étude que les écritures féminines sont généralement plus grandes, formant plus de surfaces fermées ; la vitesse est également plus grande, liée à la longueur du fil graphique. La pâtosité est moins importante que dans les écritures masculines. Nous ne retrouvons pas ici d’effet significatif du sexe sur la rapidité et la juxtaposition, alors que nous avions mis en évidence un effet de ce type chez l’enfant ; on peut penser que ces manifestations étaient davantage en rapport avec la maturité différente des enfants, les filles paraissant “ en avance ” sur les garçons dans l’acquisition de l’écriture. Les différences chez l’adulte portent davantage sur l’aspect du graphisme et aussi sur la vitesse.

Nous retenons l’effet de l’entraînement, responsable d’une plus grande rapidité et de pressions plus faibles. Nous retrouvons, avec le niveau d’études, un effet identique sur la rapidité.

Le niveau d’études apparaît également en rapport avec la longueur du tracé. La dimension du graphisme diminue quand le niveau d’études s’élève. Avec des niveaux d’études élevés, on rencontre plus souvent des écritures en bâtonnets, plus petites et moins bouclées ; c’est le type d’écriture que l’on retrouve également le plus souvent chez les cadres supérieurs.

Si on retrouve, chez l’adulte, l’influence du niveau d’études sur la rapidité et la longueur du tracé, on ne retrouve pas, par contre, de lien entre le niveau d’étude et la juxtaposition.

La liaison de l’écriture ne paraît pas avoir le même sens chez l’adulte et l’enfant ; elle est plus en rapport avec l’acquisition d’habileté chez l’enfant.

L’âge, dans l’étude chez l’adulte, apparaît en liaison avec la dimension et le positionnement du graphisme : quand l’âge augmente, l’écriture occupe plus de place, va plus à droite, le graphisme est plus grand, les lettres plus penchées. On note également une diminution de la pression, mais sans qu’elle soit significative ici. Dans une précédente étude, chez des sujets plus âgés (Faure, 1996) [66] nous avions mis en évidence une corrélation négative entre l’âge et la pression mais elle semble n’intervenir qu’à partir d’un âge avancé qui n’était pas atteint dans cette étude où seulement 6 sujets ont plus de 60 ans.

Nous notons que la rapidité de l’écriture chez l’adulte n’est pas en rapport avec l’âge, mais varie en fonction du niveau d’études (comme elle varie, chez l’enfant, en fonction du niveau scolaire).

L’observation de l’écriture de gauchers (21 dans notre étude) montre surtout des différences dans la direction du graphisme : inclinaison des lettres plus souvent “ renversées ”, direction des lignes moins ascendante de la main dominante, et plus ascendante de la main non dominante.

L’isolement, le repli, pour autant qu’on pouvait les apprécier dans le questionnaire où ils prenaient le sens d’une relation forte entre les jumeaux, semblent en lien avec le degré de liaison dans l’écriture et la direction des lignes : un vécu d’entité chez les jumeaux va de pair avec un degré de liaison plus important dans l’écriture. Nous avons remarqué que, lorsque le lien entre les jumeaux était important, les différences intra-paires étaient majoritairement plus petites (ceci concerne 15 paramètres sur 19).

L’étude des différents facteurs influençant l’écriture permet de dégager des profils particuliers de scripteurs ; elle permet aussi d’apprécier les influences pouvant s’exercer, quelquefois différemment, chez les monozygotes, les dizygotes et les germains.

Ces influences, de même que l’effet du type de chorion, viennent nuancer l’interprétation que l’on peut faire de la plus grande ressemblance des monozygotes qui apparaît dans l’étude chez l’adulte.