III Le Double ou le reflet perdu. Les Aventures de la Nuit de la Saint Sylvestre

Les Aventures de la nuit de la Saint Sylvestre, Die Abenteuer der Silvester-Nacht , composent avec Kreisleriana le tome 4 de Fantasiestücke paru en 1815. Elles ont été traduites partiellement par Gérard de Nerval : les deux premières parties, précédées de l'Avant -propos La traduction "inédite" a paru dans Le Mercure des 17 et 24 septembre 1831. La première partie est anonyme, la seconde est signée "Gérard"64.

Nos références à Die Abenteuer der Silvesternacht , Insel-Bücherei N° 276, 1953, sont intégrées dans le texte, sous la forme Is , suivie du numéro de la page, quand une autre précision ne s'impose pas.

La référence à la traduction donnée par Contes fantastiques , Marabout, 1979, est intégrée sous la forme M suivie des numéros du livre et de la page. La traduction est de Henri Egmont, 1836, revu par Albert Béguin.

‘Der reisende Enthusiast, aus dessen Tagebuche abermals ein Callotsches Fantasiestück mitgeteilt wird, trennt offenbar sein inneres Leben so wenig vom äussern, dass man beider Grenzen kaum zu unterschneiden vermag. Aber eben, weil du, günstiger Leser! diese Grenze nicht deutlich wahrnimmst, lockt der Geisterseher dich vielleicht herüber, und unversehens befindest du dich in dem fremden Zauberreiche, dessen seltsame Gestalten recht in dein äusseres Leben treten und mir dir auf du und du umgehen wollen , wie alte Bekannte.65 ( Is p. 5)’

L'Avant-propos de l'éditeur met l'accent sur la vie intérieure qu'il s'agit d'extérioriser, l'espace du dedans. Cet espace fictionnel est bien celui où peuvent se rencontrer le lecteur et ce Voyageur enthousiaste qui est le narrateur-relais. Le Voyageur enthousiaste, parfaitement anonyme, est le narrateur initial, il devient ici le héros des singulières aventures de la nuit de la Saint Sylvestre, à Berlin.

L'évocation est placée sous le signe de la mort et de la perte. La mort, ‘Ich hatte den Tod, den eiskalten Tod im Herzen’ . La course du héros prolonge la fuite de l'Etudiant Anselme‘. Wild rannte ich, Hut und Mantel vergessend, hinaus in die finstre stürmische Nacht!’ (Is p. 6)

Mort de l'année, avancée du Temps, intervention du Diable. On peut penser que ce moment choisi par Hoffmann forme une sorte de reflet de la joie et de la fête de Noël. Après l'enfant et la naissance dans la joie, la mort et la tristesse. A l'envers de la fête et de l'enfance triomphante, le silence, l'obscurité, les tiges desséchées, et les germes morts de toute vie. En outre, le Diable vient toujours enfoncer sa griffe acérée dans le coeur du Narrateur. Le Conseiller de Justice tient le rôle du Diable, c'est dans son salon que tout se joue. L'heureuse surprise préparée tourne à la catastrophe : détournement, inversion, scission, le narrateur est l'intrus grotesque, le participant maladroit, gauche, dans un salon d'où il se fera finalement expulser pour retrouver la solitude, le froid et la nuit.

Notes
64.

Voir Annexes : p. I- VIII

65.

"Le Voyageur Enthousiaste, dont on nous communique cette fantaisie à la manière de Callot, extraite de son journal, met évidemment si peu de différence entre sa vie imaginaire et sa vie positive, qu'on peut à peine distinguer la limite qui les sépare. Mais, lecteur bénévole, cette limite n'est guère mieux déterminée dans ton esprit; il se peut donc qu'entraîné par l'auteur visionnaire dans les régions fantastiques de la magie, tu voies inopinément mille figures étranges venir s'immiscer dans ton existence réelle, et te traiter sans plus de façons que de vieilles connaissances" (M1, p.199)