6 - Le RIEN et le TOUT

Plusieurs fois dans le récit, des personnages ou même des épisodes ont échappé au regard des autres, par une singulière invisibilité intermittente, ce qui est la qualité des fantômes.

Quand Michel arrive à Greenock et se recommande sur les chantiers du nom de la Fée aux Miettes, son nom est inconnu, et sa maison (pourtant près de l'Arsenal ) ignorée ( chapitre XIII ). Après le procès et la condamnation à mort, Michel qui est conduit à l'échafaud dressé en ville pour être pendu, ne reconnaît personne dans la foule, comme si ‘elle s'était renouvelée tout entière, durant le cours de cette terrible nuit’ (XIX, p. 267 ).

Enfin quand Daniel fait une sorte d'enquête à Greenock, nul n'a entendu parler de la Fée, ni, chez l'aubergiste, de "l'homme à la tête de chien".

Si l'ordre social et la science s'en mêlent, la présence de ceux qui sont différents apparaît comme une menace qu'il faut écarter. La société alors enferme, se fait "anthropophage", s'érige en juge et exclut. C'est sa façon à elle d'effacer les traces des indésirables. Indésirables pour la société, ceux qui ne partagent pas ses valeurs ou les mettent en péril.

Sans nous appesantir sur une lecture maçonnique de La Fée aux Miettes, il faut bien, au terme du parcours de Michel le charpentier placé sous le signe de la saint Michel, -- tous les événements importants de sa vie ont lieu le jour de la saint Michel -- chercher un sens initiatique au Voyage qui permet au jeune homme de retrouver les traces de ses pères. Guidé par la figure maternelle de la Fée, il peut quitter le monde conventionnel où il n'a pas sa place, pour réintégrer le lieu mystérieux où sont déjà son père et son oncle.

Le Voyage dont le grand vaisseau de la Reine de Saba 245 est sans doute la figure la plus achevée, puisqu'il conduit au royaume mythique de la Reine de Saba et de Salomon, est répété d'un bout à l'autre de l'histoire de Michel, sans jamais prendre forme pour lui.

Naufrage, impossibilité d'embarquer, nous ne voyons que son parcours de Granville à Greenock, pour revenir à Glasgow.

Alors que ses pères ( père et oncle ) ont réussi leur "sortie", les trajets de Michel sont sous le signe de la simulation et de la représentation. Simulacre de départ, simulacre de voyage, simulacre de crime, simulacre d'exécution. La répétition même de certains actes ( le don fait trois fois de la même somme à la Fée aux Miettes ), déréalise la vie du jeune homme.

L'effacement des traces va de pair avec une sorte de brouillage qui efface la différence entre ce qui peut être l'imaginaire et le réel. Le corps donné au rêve ( les chiens ) estompe les angles prosaïques de la vie réelle et ouvre des perspectives infinies. Les séries élargissent jusqu'à l'infini ce qui est limité. Nous avons vu la multiplication de la Fée avec ses quatre-vingt-dix-neuf soeurs. Michel lui-même, à l'intérieur de la république des charpentiers, se trouve multiplié : toutes les filles de maître Finewood ont eu, le même jour, un petit garçon nommé Michel, et ils portent tous une marque semblable. L'épanchement du conte dans la vie réelle donne un aspect de fantaisie à l'espace terrestre, le rend peut -être acceptable.

Mais sur un autre versant, se laisse repérer une dimension d'un ailleurs véritable, capable non pas d'amuser, mais de régénérer le Sujet. Il court, en effet, à travers tout le texte de La Fée aux Miettes , un vocabulaire religieux qui suppose des places ou des rôles à remplir, échappant au temps et aux lieux. L'importance du calendrier, avec le retour de la saint Michel anniversaire, sert de toile de fond à la célébration d'une sorte de mystère.

L'utilisation des langues, langue sacrée comme l'hébreu, ou langue régionale comme la langue maternelle de la Fée aux Miettes, l'anglais que parle Michel en Ecosse, relève de cette volontaire dispersion à vocation cosmique.

La Fée aux Miettes quitte l'espace des fées pour s'encadrer dans un espace religieux. ‘La Fée aux Miettes prenait la Bible, ou quelque production de la philosophie et de la poésie antique, et m'en lisait des passages dans la magnificence naïve de leurs langues originales, en les développant tantôt dans ces langues mêmes, tantôt dans celles des modernes, car les faciles travaux auxquels elle n'avait cessé d'accoutumer agréablement mon esprit ne tardèrent pas à me mettre en état de les laisser entendre aussi distinctement que la mienne’ . ( p. 310, chapitre XXIV )

Le Livre Sacré garantit l'existence de la Fée, avec un commentaire du héros qui laisse entrevoir qu'il n'adhère pas totalement à ce qu'il raconte :

‘Il est incontestable que la Fée aux Miettes est une de ces intelligences supérieures dont elle vient de me parler, et dont il n'est pas permis de mettre l'existence en doute, à moins de contester outrageusement au Créateur la puissance de faire quelque chose qui vaille mieux que l'homme, elle n'est certainement pas du nombre de celles que Dieu a maudites, car toutes ses actions et tous ses enseignements semblent n'avoir pour objet que de le faire aimer davantage. Il n'y a pas d'ailleurs de plus savante, de plus digne et de meilleure femme. C'est seulement grand dommage qu'elle soit si vieille et qu'elle ait de si grandes dents . (chapitre XXIV, p. 311 ) ’

Le narrateur évoque, avec une ironie amusée, la double vie qu'il mène, ses nuits d'amour avec Belkiss, et ses journées studieuses avec la Fée aux Miettes. La distance prise avec la narration fait ainsi de lui, à ce moment comme à d'autres du texte, un narrateur privilégié, interprète de ce qu'il raconte et capable de jeter un regard distancé et amusé sur son propre discours. Le même texte valide l'existence de la Fée et la désigne comme le personnage caricatural des contes de fées.

Placée auprès de Dieu, la Fée, sous la forme disgracieuse qui lui est donnée, marquée par le temps humain, veut arracher Michel au limon humain et lui rendre sa véritable place. Les deux faces du médaillon, figure de la dualité, sont à l'image des deux aspects de l'homme.

Enfant ! reprit-elle, pauvre, mais digne créature qu'une méprise de l'intelligence qui préside à la distinction des espèces a malheureusement laissé tomber pour un petit nombre de jours dans le limon de l'homme, ne te révolte pas contre l'erreur de ta destinée ! je te reconduirai à ta place ! ( chapitre XXV, p. 314 )’

Le programme de la Fée reconduire Michel à sa place , ( Michel est appelé par superposition au Tribunal dans un glissement moqueur par le Président qui ne se rappelle pas son prénom, "Raphaël, Gabriel, ou comme on t'appelle") est marqué par le nom de Michel et coïncide avec le monologue à demi-voix de Michel à la Cour d'Assises. Placé en position d'accusé et de coupable pour un meurtre imaginaire, il transforme en animaux les juges et la Cour, vision dégradée d'une humanité déshumanisée, et il trace une voie de Salut pour l'homme qui n'aurait pas été dégradé.

‘-- Il faut convenir (...) que le mystère du sixième jour de la Genèse246est encore loin d'être éclairci, et qu'en réduisant l'homme dégradé par sa faute à l'état des animaux relevés jusqu'à son abaissement, le Seigneur aurait tiré une digne vengeance de l'orgueil insensé du père de notre race. -- Et alors, ou je me trompe, les enfants d'Adam qui auraient conservé sans altération, pendant la nouvelle épreuve de vie, le germe d'immortalité qui a été déposé en eux pourraient espérer de retourner un jour à ce paradis de délices, oeuvre facile de la toute puissance, oeuvre naturelle de la toute bonté. Le reste retournerait d'où il vient : dans le foyer de la matière éternelle ! (chapitre XVII, p. 254 )’

Anticipant l'enfermement final chez les "lunatiques" de Glasgow, l'avocat, en entendant les déclarations de Michel le tient pour un fou. La manifestation physique de ce que croit l'avocat, - il tient Michel ‘avec un doigté si brutal et si aigu’ qu'il semble prêt à ‘extraire la substance médullaire de son cerveau’ --, fonde par la violence les valeurs sociales.

La double position de Michel au tribunal, sujet voulu ( accusé ) et sujet voulant (sujet du croire) l'inscrit dans un double espace contradictoire.

On découvre une double lecture des ‘temps calamiteux annoncés dans les prophé’ ties . La lecture sociale et institutionnelle n'est pas la lecture de Michel et de la Fée. La mobilité inattendue du portrait de Belkiss, reine de Saba, aimée de Michel, mais aussi reine de Greenock, reflète les perceptions différentes et les variations de l'illusion à la réalité, chacun voit ce qu'il croit.

L'épreuve finale dont la sanction devrait permettre à Michel de gagner pour toujours la Fée aux Miettes lui impose de trouver ‘la Mandragore qui chante’ . La mandragore247 est une figure intertextuellement qui est liée au fantômes, on la retrouve, nous allons le voir dans d'autres récits fantastiques jusqu'à Alraune ( La Mandragore ) de Hanns Heinz Ewers.

Les mandragores, flétries et mortes, nommées dans le texte avant Michel, offrent dans le jardin des"lunatiques" de Glasgow une figure des "misérables" condamnés à "végéter" là, et une image d'un adoucissement opiacé de leur souffrance.

‘Je réfléchissais à ceci en mesurant du regard un grand carré de mandragores presque entièrement moissonné jusqu'à la racine par la main de l'homme, et sur lequel toutes ces mandragores gisaient flétries et mortes sans que personne eût pris la peine de les recueillir. Je doute qu'il y ait un endroit au monde où l'on voie plus de mandragores.
Comme je me rappelai subitement que la mandragore était un narcotique puissant, propre à endormir les douleurs des misérables qui végètent sous ces murailles, j'en arrachai une de la partie du carré qui n'était pas encore atteinte, et je m'écriai en la considérant de près : Dis-moi, puissante solanée, soeur merveilleuse des belladones, dis-moi par quel privilège, tu supplées à l'impuissance de l'éducation morale et de la philosophie politique des peuples, en portant dans les âmes souffrantes un oubli plus doux que le sommeil et presque aussi impassible que la mort?...( chapitre II, p. 180)’

Le premier narrateur mis en place dans le chapitre I condamnant le positivisme de son siècle, l'histoire et les historiens, accorde plus de crédibilité aux lunatiques , ils ont la possibilité de communiquer ‘avec les intelligences d'un monde qui ne nous est pas connu ’, et si nous ne les entendons pas, c'est que leurs idées ‘appartiennent à un ordre de sensations et de raisonnements qui est tout à fait inaccessible à notre éducation et à nos habitudes’ . Ce narrateur initial, destiné à être remplacé par un second narrateur Michel qui va dire Je à son tour, lunatique volontaire, se trouve lui-même parfaitement isolé et incompris chez les lunatiques de Glasgow, la situation qu'il a voulue étant le reflet comme dans un miroir de la situation du lunatique dans la société qui le condamne.

La mandragore est sans voix pour le narrateur, ‘comme toutes les mandragores que j'ai cueillies de ma vie’ . La mandragore qui chante est la fleur absente que cherche Michel.

C'est moi, c'est moi, c'est moi,
Je suis la mandragore,
La fille des beaux jours qui s'éveille à l'aurore,
Et qui chante pour toi!

La chanson de la Mandragore, chantée par Michel enfermé à l'asile, est répétée plusieurs fois dans le récit, comme une sorte de refrain significatif. Elle est reprise par le jeune homme qui revient du Mont Saint Michel, présentée comme une ballade que les jeunes gens de Granville ont sans doute 248 ‘apprise de je ne sais qui, si ce n'est de la Fée aux Miettes ’; elle le réveille, chantée par les caboteurs qui vont prendre la mer sans lui. Refrain de l'enfance, la mandragore qui chante, si elle se matérialise enfin, doit mettre un terme à l'exil sur la terre de Michel.

La conclusion ‘qui n'explique rien et qu'on peut se dispenser de lire’ , apprend que Michel s'est évadé de la maison des lunatiques. Ce sont ses camarades, des lunatiques comme lui, qui ont décrit son ascension, dans la nuit de la saint Michel, avec, à la main, la mandragore qui chante.

-- Evadé, monsieur? et comment s'évaderait-on de la maison des lunatiques, à moins de s'évader par l'air, comme le disent ses camarades, qui prétendent l'avoir vu se balancer un moment à la hauteur des tourelles de l'église catholique, avec une fleur à la main, et chantant d'une manière si douce qu'on ne savait si ces chants provenaient de la fleur ou de lui?
-- C'était de la fleur, Daniel, ne t'y trompe pas
(Conclusion , p. 323 )’

L'évasion constatée par les lunatiques est validée par Je, le narrateur anonyme qui a visité la maison des lunatiques avec Daniel, son valet de chambre écossais. Cette issue "qui n'explique rien", n'efface pas toutefois l'angoisse de Michel exprimée au chapitre II, quand il fait la connaissance du narrateur. Il reste une dernière fleur et il craint de la cueillir, car c'est mettre en doute sa vie entière, au prix de l'illusion.

C'est là, c'est dans cette touffe de vertes et riantes mandragores qu'est caché le secret de mes dernières illusions; c'est là qu'à la dernière, à laquelle il reste encore une fleur, à celle qui cédera sous le dernier effort de mes doigts, et qui arrivera muette à mon oreille, comme la vôtre, mon coeur se brisera! et vous savez si l'homme aime à repousser jusqu'à son dernier terme, sous l'enchantement d'une espérance longtemps nourrie, la désolante idée qu'il a tout rêvé... TOUT; et qu'il ne reste rien derrière ses chimères... RIEN!...(Chapitre II, p. 185 ) ’

Réveillé de son sommeil, que lui restera-t-il?

Il peut être intéressant de comparer le texte d'Arnim Isabelle d'Egypte , où la mandragore est utilisée à des fins magiques. La mandragore requiert nécessairement une jeune fille sacrée et pure. Elle doit aller la nuit à la onzième heure avec un chien noir, sous le gibet, à l'endroit où un pendu innocent a laissé tomber ses larmes ( en fait du sperme ). ‘Là, elle doit se boucher soigneusement les oreilles avec du coton, et chercher à tâtons jusqu'à ce qu'elle mette la main sur la racine... puis s'enfuir’ . 249 Isabelle d'Egypte est une nouvelle de 1812, dédiée aux frères Grimm. La nouvelle est bien connue en France, sous la traduction de Théophile Gautier fils. Cette mandragore née des pleurs équivoques d'un pendu innocent, est reprise dans un roman par Hanns Heinz Ewers.250

Le cri de la mandragore qui rend folle la jeune fille de la quête, est devenu chant dans La Fée aux Miettes , pour Michel, le charpentier251inscrit dans la lignée maçonnique. Le but suprême du texte qui figure dès les premières lignes, pourrait bien être la mise en place d'un chant et sa circulation, véritable mot de passe pour couvrir, - comme le médaillon, ouvert / fermé -- et découvrir une parole condamnée et tournée en dérision par la Société, la parole poétique252.

Le dernier chapitre, en conclusion, sauve de la mort et du RIEN, -- ce rien que représente aussi bien le vide des mots de miss Babyle Babbing, veuve Speaker, que le jargon des juges et des médecins --, le récit merveilleux mis en abyme des superbes aventures de la Fée aux miettes . Ce récit est devenu un petit livre bigarré de jaune et de bleu brandi par un colporteur, et son cri enroué appelle les acheteurs.

La scène s'est transportée à Venise sur la place Saint Marc, souvenir hoffmannien de La Princesse Brambilla , mais la Parole ne s'arrête pas là, le volume est volé par une bande de Zingari ( rappel d'Isabelle d'Egypte ), pendant le sommeil du Narrateur. Dans la véritable bibliothèque merveilleuse, les superbes aventures de la Fée aux Miettes et comment Michel le Charpentier a été enlevé de sa prison par la princesse Mandragore, comment il a épousé la reine de Saba rejoignent les Contes de Perrault et les Mille et une nuits.

Notes
245.

Les vaisseaux qui apparaissent dans le texte n'apparaissent souvent que pour disparaître (naufrages, capture par les Barbaresques ) et portent des noms de quête: La Reine de Saba

246.

L'idée d'une chute des hommes coupables dans des corps d'animaux est liée à la métempsychose, dogme répandu dans tout l'Orient antique, et se trouve reprise par Platon. Les âmes coupables, après la mort, errent autour des tombeaux sous la forme de fantômes et finissent, dans leur désir de corporéité, par s'associer à un corps animal qui rappelle leur vie ancienne ( Phédon , 81 d)

247.

La mandragore est placée dans les fleurs ésotériques qui occupent une place importante dans l'oeuvre de Nerval, avec le myosotis et l'ancolie. "Les mandragores sont des herbes à grosse racine charnue, généralement bifurquée et rappelant un corps humain muni de deux jambes. Les fleurs bleues, blanches, rouges ou violacées, sont très nombreuses. On en connaît quatre espèces méditerranéennes.(...) On attribuait jadis à la mandragore toutes sortes de propriétés merveilleuses et on l'employait à divers usages de sorcellerie." (description donnée par le Larousse universel en deux volumes, citée dans Gérard de Nerval , L'Herne, p. 174 , article de Christine Alan).

A la fontaine du lavoir de Siloë, entourée de ses servantes qui font l'éloge d'Adoniram, la reine de Saba est représentée dans un rare décor de fleurs, à l'ombre des palmiers. Balkis, se détournant , se mit à cueillir des jacinthes, des mandragores, des cyclamens qui diapraient le vert de la prairie, et la huppe qui l'avait suivie ( Nerval, O.C. II, p. 734) Même décor de fleurs à Mello, la villa de Soliman, où Soliman reçoit Balkis. Chargée de parfum des lis, des tubéreuses, des glycines et des mandragores, la brise nocturne chantait dans les rameaux touffus des myrtes. (Nerval, O.C. II, p. 705)

248.

C'est moi qui souligne (nda)

249.

Romantiques allemands , Pléiade, tome 2, p. 476 )

250.

Le roman a été publié en 1920. Heinrik Galeen en tira un film, Alraune ( Mandragore ) en 1928, film muet. Richard Oswald réalise un film parlant en 1930 sur le même sujet, avec les mêmes interprètes, Paul Wegener ( Cf. L'étudiant de Prague , dont Ewers a écrit le scénario ) et Brigitte Helm

251.

On peut mettre en relation le mariage mystique de Michel le charpentier qui fournit les solives de cèdre et les lambris de cyprès du palais que Salomon fait bâtir à la reine de Saba, au juste milieu du lac d'Arrachieh, à deux jours de l'oasis de Jupiter Ammon, dans le grand désert libyque avec Belkiss, la reine de Saba, et dans le Voyage en Orient de Nerval, le mariage mystique de l'architecte Adoniram avec Balkis qui reconnaît en lui la lignée des enfants du feu, fils de Tubal-Kaïn.

252.

Tzvetan Todorov, analyse,à propos du Coin plaisant d'Henry James, cette parole individuelle insaisissable : "Comment nommer l'individuel, alors que même les noms propres, on le sait, n'appartiennent pas à l'individu en propre? Si l'absence de différence égale l'inexistence, la différence pure est innommable : elle est inexistante pour le langage. Le spécifique, l'individuel n'y est qu'un fantôme qui produit la parole, cette absence que nous essayons en vain d'appréhender, que nous avons saisie aussi peu avant qu'après le discours, mais qui produit, dans son creux, le discours lui-même." (Henry James, Histoires de fantômes , Introduction de T. Todorov, Aubier Flammarion, 1970