2 - L'écart

Dans l'Opéra, toute la situation est présentée par un ténor (Peter Pears à la création, qui joue aussi le rôle de Peter Quint ), avec un accompagnement au piano. Ce prologue narratif résume ce qui a précédé l'arrivée de la gouvernante au château. La présence constante en scène de la gouvernante, sauf dans la scène 5 de l'acte II, où Quint pousse Miles à prendre la lettre, fait bien d'elle le personnage réflecteur au travers duquel tout est vu. La matérialisation du décor, enferme, emmure la jeune fille, comme dans une chambre close, avec les miroirs-pièges des apparitions. Le texte de James est donné comme la lecture par la voix de Douglas d'un texte écrit par une jeune femme. Le lecteur est interpellé par une voix disparue qu'il lui faut entendre en quelque sorte traversée par l'écriture. ... ‘Douglas (...) had begun to read with a fine clearness that was like a rendering to the ear of the beauty of his author's hand’ . (K p. 92) 304 La Voix défunte est restituée par Britten, et c'est par la Voix que se fait le passage obligé de l'innocence à l'âge adulte. ‘The ceremony of innocence is drowned’ .305

Les fantômes, muets dans la nouvelle de James, ce qui intériorise leurs apparitions, font entendre dans Benjamin Britten leur voix, en même temps qu'ils manifestent leur présence. Une question se posera : comment introduire le doute, le vacillement de l'incertitude, la frange de l'ombre dans la voix et la musique?

Notes
304.

"Douglas (...) avait commencé de lire, avec une articulation nette et pure, qui rendait comme sensible à l'oreille l'élégance de l'auteur." (S p. 22 )

305.

Myfanwy Piper fait citer par les fantômes les vers de Yeats : "The ceremony of innocence is drowned" (Acte II, scène 1). "La cérémonie de l'innocence est noyée"(traduction J.S. Price)