1 La nuit du tombeau.

C'est par d'autres chemins, pour Marie Bonaparte, que Edgar Allan Poe manifeste son désir inconscient, sous le signe négatif d'être enterré vivant, de retrouver le corps maternel et de faire retour à son abri. Dans Le puits et le pendule , ce que cite le prisonnier de l'Inquisition dans son délire, le sommeil, le rêve, l'évanouissement, ce sont autant de régressions à l'état prénatal. La lecture oblique de Marie Bonaparte constitue un modèle particulièrement éclairant et convaincant encore aujourd'hui :

‘L'immortalité que rêvent tous les humains, et qui ne serait pas si "dans le tombeau" tout était "perdu", est certes d'abord la projection, par delà la mort, de ce sentiment d'immortalité propre à tout ce qui vit, sans doute expression lui-même de ce fait que la mémoire des vivants, psychique ou biologique ne peut se souvenir que du temps de la vie. Mais avant la vie au sens aérien, terrestre, avant la vie telle que, depuis que nous vîmes le jour, nous l'avons, il y eut un temps où tout en étant déjà vivants, nous n'étions pas encore en vie au sens aérien, terrestre. Nous étions alors enterrés au plus profond abri du corps maternel. Et puisque l'inconscient ne peut imaginer l'anéantissement, le néant, dès que le petit être humain a appris à connaître ce premier de ses domiciles (...), son psychisme commence à se servir de cette connaissance pour nier le néant dont parle le conscient. L'état d'après la mort est alors calqué sur l'état d'avant la naissance, la survie tombale sur le modèle de la prévie foetale. Tout en n'étant pas encore des citoyens de ce monde, nous vivions, au corps maternel, d'une vie mystérieuse, hors le monde, hors le temps, infinie, souterraine : telle sera aussi notre survie après la mort. (p. 689 )’

La terreur d'être enterré vivant qui était si intense chez Poe dérive directement du désir inconscient, exprimé sous le signe négatif de l'angoisse, de faire retour au corps maternel.