II.1.1. Crise du royaume et crise de l’Eglise 122.

La guerre de Cent Ans (1347-1453) est un des premiers fléaux de cette époque. Elle eut notamment pour conséquence, en 1422, de consacrer la division de la France en deux royaumes : le royaume anglo-français avec Paris et Rouen pour capitales et le royaume de Charles VII qui comprend les provinces du sud. La restauration de l’unité politique et du pouvoir monarchique n’interviendra qu’en 1435, avec le traité d’Arras. Aux destructions des bâtiments, des plantations, aux massacres du cheptel liés à la guerre s’ajoutent la famine dont la plus marquante sera celle de 1315-1317 et les troubles sociaux ( Jacquerie en 1358, révolte des Maillotins en 1382, du boucher Caboche en 1413...).

L’Eglise, de son côté, doit faire face au Grand Schisme d’Occident qui déchire toute la Chrétienté en deux obédiences et ruine le prestige pontifical. « Ce schisme n’est résolu ni à la mort des souverains pontifes car chaque parti choisit alors aussitôt un successeur, ni lors du concile de Pise (1409) qui n’eut d’autre résultat que de désigner un troisième pape. Pendant ce temps l’Université de Paris exigeait toujours la démission des papes, et, en 1339, arrache au roi, en s’appuyant sur une consultation dont les résultats furent truqués, la soustraction d’obédience, le refus d’obéir au pape. 123» Le concile de Constance impose la démission des deux papes et élit Martin V en 1417 mais entre temps les docteurs de Paris affirment la suprématie du concile sur le pape. Le refus de Martin V de se rallier à cette conception ouvre la grave crise conciliaire. A la faveur de ces troubles, le clergé français affirme une plus nette indépendance face à Rome et en 1438 le roi Charles VII proclame, par la Pragmatique Sanction, les libertés gallicanes, la soumission de l’Eglise de France au roi.

‘« L’Eglise traversa ainsi une crise d’autorité dont les effets se conjuguèrent avec ceux de la crise du sentiment religieux (...). Au XVe siècle, l’Eglise perd peu à peu son emprise sur les âmes, son autorité n’est plus absolue. Le rôle des prêtres dans la vie religieuse diminue, la religion se fait plus intime, plus personnelle, et devient affaire de sentiment. La piété populaire prend des formes nouvelles qui représentent souvent un premier pas dans la voie de l’indifférence et qui se répandent rapidement grâce aux nouveaux moyens d’expression que sont alors le livre, la gravure et le théâtre. 124»’

Entraînant la perte des repères habituels, semant le trouble dans les esprits, la crise de l’Eglise, ajoutée à un climat de guerre et de tensions sociales, a sans doute contribué à la naissance de l’art macabre qui n’avait qu’à s’inspirer du terrible spectacle que lui offraient les ravages de la peste.

Notes
122.

Pour plus de précisions, Voir GABION C., La mort au moyen âge dans les textes poétiques français du XIIIe au XVe siècle, mémoire de D.E.A., Université Lyon II, pp. 185 à 204.

123.

HEERS Jacques, Précis d’histoire du Moyen Age, Paris : P.U.F., 1968, p. 326.

124.

SAUGNIEUX J., op. cit., p. 93.