II.1.2. La peste.

II.1.2.1. La propagation de l’épidémie.

« L’événement historique dont les conséquences furent dramatiques pour l’Europe entière et qui offrit aux hommes du XIVe siècle un aspect de la mort qui les épouvanta, c’est la grande épidémie de peste, la « Mort Noire » qui tua « la tierce partie du monde connu » (Froissart) entre 1347 et 1352, puis revint souvent, plus ou moins meurtrière, frapper notre continent jusqu’au XVIIIe siècle. Elle arrivait de Chine et gagna la Crimée dans le sillage des grandes caravanes. Les ports de la Mer Noire abritaient des comptoirs génois et vénitiens qui recevaient les marchandises de l’Est et les acheminaient vers l’Ouest, par un trafic incessant et régulier avec l’Europe.125 » En 1347 la peste fit en Crimée 85 000 victimes, elle gagna ensuite la Sicile, la Sardaigne et la Corse puis l’Italie et l’Europe entière. Elle s’installa à Marseille à la fin de 1347, frappa notamment Paris en 1348 où elle s’installa pendant un an et demi avant de repartir pour reparaître à chaque décennie126. Elle atteignit Londres en août 1348, se propagea en Allemagne et jusqu’en Scandinavie127. Elle sévit plusieurs mois dans chaque ville et emporte rapidement tous les hommes malades.

Le caractère foudroyant de cette nouvelle épidémie de peste s’explique par une mutation de la maladie. «  Les épidémies anciennes, celles qui, à intervalles réguliers, atteignaient autrefois nos pays, étaient des formes buboniques de la peste ; elles se transmettaient par les rats malades et les morsures de puces. En 1348, la peste présente, de plus, une forme nouvelle, encore inconnue, semble-t-il, en Occident : l’infection pulmonaire128 qui évolue beaucoup plus vite et se transmet bien plus rapidement, par l’air, d’où les progrès effrayants de la contagion et le nombre élevé des victimes. 129» Cette nouvelle forme de maladie s’accompagne de multiples souffrances. « Les témoins décrivent la violence des douleurs, la soudaineté du mal et la rapidité de son évolution : deux à trois jours en général, puis ils disent la terreur qui saisit les vivants, les familles déchirées, l’amoncellement des morts qu’on n’arrive plus à ensevelir. 130»

L’aspect effrayant de la maladie réside également dans son retour périodique ; après l’épidémie de la « peste noire » qui fit le tour de la planète entre 1346 et 1348 il faut citer la peste de 1367 qui ravagea Paris et Londres et la peste européenne de 1373 qui déclencha le mal des Ardents ou « danse de Saint-Jean ». « Le plus grave semble bien être le retour de l’épidémie qui frappe alors d’une façon toujours inattendue et dramatique. Ces retours de peste compromettaient d’une façon décisive la reprise démographique. Ils provoquent forcément des angoisses et des peurs collectives, sans répit, puisque l’on sait que le mal peut revenir ; cette psychose de la peste marque tous les hommes et ses manifestations s’aggravent avec le temps. 131»

Notes
125.

BROSSOLET Jacqueline, Les danses macabre en temps de peste, Koninklij museum voor schonekunsten, éditeur Antwerpen, 1971, p. 30.

126.

Vous pouvez consulter, annexe n°4, un document décrivant le passage de la peste à Paris et dans d’autres villes où furent trouvées des danses macabres ainsi qu’une carte montrant la diffusion de la peste en France et en Europe.

127.

« A partir des points d’appuis littoraux en Méditerranée occidentale, la peste a pénétré dans les terres, sillonnant en 1348 l’Italie, l’est et le nord de l’Espagne, du royaume de Grenade à l’Aragon, et en France le Midi, de Marseille à Lyon et à Bordeaux. Cette dernière ville atteinte au milieu de 1348 a servi de relais à la diffusion atlantique : par la mer la peste touche les ports anglais et l’Irlande, d’Angleterre, elle se propage, en ricochet, sur le nord de la France (Rouen, Calais). Sur ce large front européen, l’épidémie poursuit sa route en 1349, des Flandres (qu’elle contourne) jusqu’aux Balkans, gagnant la Rhénanie et les pays alpins, cependant que, par mer, la Scandinavie et la côte de Frise sont touchées. En 1350, l’Allemagne, le Danemark, le sud de la Suède ont été contaminés, de même que la Hongrie, puis en 1351 les régions baltiques, de la Pologne du Nord à la Lithuanie et la Courlande. Le cycle s’achève en 1352 par le coeur de la Russie : la boucle est presque bouclée. » VOVELLE Michel, La mort et l’Occident de 1300 à nos jours, Mayenne : nrf, Gallimard, 1983, p. 91.

128.

« La peste bubonique est mortelle à 80% et la peste pulmonaire à 100%. » BALARD Michel, GENET Jean-Philippe, ROUCHE Michel, Le Moyen Age en Occident, Paris : Hachette Supérieur, 1990, p. 210.

129.

HEERS J., Précis d’histoire du Moyen Age, p. 208.

130.

VOVELLE M., op. cit., p. 91.

131.

HEERS J., Précis d’histoire du Moyen Age, p. 209.