III.1. Les objets sacrés.

La société toute entière fut marquée par le thème de la danse macabre. Nous la retrouvons tout d’abord sur des vêtements ecclésiastiques. Ainsi en Allemagne, les brodeuses d’Osnabrück « mêlaient les fils d’or, d’argent et de soie rouge pour composer, en sept scènes entourées d’arabesques et de feuillages, une danse macabre sur un manteau de choeur conservé aujourd’hui au Musée diocésien de la ville. Sur le dos du vêtement, le pied de la Croix sépare les personnages du Dit des Trois Morts et des Trois Vifs : trois chasseurs, à cheval et faucon au poing, rencontrent trois squelettes, l’un armé d’une épée, l’autre portant une faux ; le troisième s’élance vers les cavaliers. Le devant du vêtement est orné, des deux côtés, de trois médaillons bordés d’arabesques ; les six scènes représentent : la mort et le roi, la mort et l’empereur portant un globe, la mort portant le cercueil du gentilhomme, la mort et le pape et l’évêque. Ludwig Schriver estime que la broderie date de la fin du XVe siècle 311».

L’église Saint Nicolas de Mons, en Belgique, conserve encore des ornements liturgiques dont les broderies représentent une danse. Nous pouvons distinguer plusieurs scènes superposées dans lesquelles un mort s’adresse à un vivant sur un fonds de velours noir, (l’empereur, le chevalier, le bourgeois, le noble, le roi, le roturier) ; chacune de ces scènes, entourée de larmes en fil d’argent, est surmontée d’un décor de feuillage et d’arabesques en soie et fils d’or ; certains personnages sont rehaussés par des applications de velours rouge. Le dos d’une chasuble coule le motif dans le dessin d’une croix, deux scènes de la danse dans lesquelles la mort entraîne des dignitaires de l’église se partagent le pied de la croix tandis que la résurrection des morts s’esquisse dans la partie supérieure. Le clergé de Saint Nicolas était chargé de desservir la chapelle de l’hôpital, destinée aux malades et surtout aux pestiférés ; pour cette raison Jacqueline Brossolet pense que ces vêtements furent portés lors des grandes épidémies de la fin du XVIe et du XVIIe siècle312.

La danse macabre a pu également entrer dans les églises sous la forme d’une tenture. Sur les murs du cloître de la Sainte-Chapelle de Dijon, datant de 1172 et détruite pendant la Révolution, l’on « tendait, à l’occasion de diverses cérémonies une pièce d’étoffe noire sur laquelle était brodée ou découpée en blanc et cousue, une danse des morts exécutée en 1438 313».

Nous la retrouvons enfin, bien plus tardivement, reproduite sur une des cloches de l’église de Chereng dans le Nord, elle est datée de 1734. « Il s’agit d’un bandeau qui orne le sommet de la cloche et où un motif composé de 4 personnages se reproduit 10 fois ; la cloche mesurant à cet endroit 1 mètre 70 de développement, ce motif a donc 17 centimètres de longueur et 6 centimètres environ de hauteur. La Mort, sous la forme d’un squelette drapé dans un voile flottant au mouvement de la ronde dansante, se retrouve deux fois dans chaque motif ; elle tient par la main soit un personnage en pourpoint, chausses, bas et souliers, portant le buste droit et la tête relevée, soit un homme vêtu d’une longue robe à larges manches et coiffé d’un bonnet carré de docteur dont trois cornes sont visibles, avec la tête penchée en une attitude de résignation ou de découragement. En bordure de chacun des panneaux de quatre personnages on voit une sorte de feuillage stylisé et en bas, entre leurs pieds, on distingue mal une sorte de plante basse ou de buisson. 314»

La danse a ainsi pu avoir une double fonction au sein de l’église en alliant le côté moralisateur et l’aspect décoratif. Mais son habileté la plus spectaculaire fut sans doute de savoir s’insinuer dans la vie privée des hommes.

Notes
311.

BROSSOLET J., op. cit., p. 54.

312.

Ibid., p. 64.

313.

LOUIS M.L.A., op. cit., p. 129.

314.

Ibid., pp. 185-186.