DEUXIEME PARTIE
LES DANSES DES MORTS.

En grande partie grâce à l’influence d’Holbein, la danse macabre connut un renouveau et une vogue extraordinaire tout au long du XIXe siècle. Ce motif médiéval trouva son premier écho chez les poètes marqués par le mouvement romantique qui retrouvèrent dans ces oeuvres le thème de la mort dans la vie, il permit également d’exprimer l’alliance de la beauté et de la mort. Néanmoins, et bien que ceci puisse sembler paradoxal, aucune de nos oeuvres n’appartient entièrement à ce mouvement littéraire. Hugo et à sa suite, Verlaine, dépeignent la grande faucheuse mais n’exploitent pas toutes les possibilités offertes par l’imagerie médiévale. Théophile Gautier, tout en utilisant les thèmes de la vie et de la mort, de l’horreur et de la beauté énonce sa théorie parnassienne sur l’art, Anatole France fait de même. Alcide Ducos du Hauron semble prendre modèle sur Théophile Gautier ; il décrit également la danse d’Holbein puis nous présente le personnage de la Mort, qui n’est en rien répugnant, il entraîne ensuite le lecteur dans un survol de l’humanité. Les autres écrivains qui nous ont offerts leur vision de la danse macabre ont quant à eux davantage exploité l’aspect satirique de ces oeuvres afin de nous dresser un portrait de la société, c’est sans doute pour cette raison qu’ils sont restés fort proches des oeuvres médiévales.

Auguste Hoyau, se référant aux éditions des danses, associe dessins et quatrains. Ferdinand Barth, Ludwig Bechstein et Alfred Rethel utilisent les mêmes procédés et, bien que ces auteurs soient allemands, nous avons inclus leurs danses dans notre corpus. Ils offrent en effet des points de comparaisons intéressants puisqu’ils restent fidèles aux oeuvres anciennes et de plus, la danse d’Alfred Rethel connut un succès considérable à Paris, une version française vit d’ailleurs le jour. André Spire, au début du XXe siècle, écrit également une danse pour nous décrire la société de son temps et pour dénoncer la lâcheté humaine. Ulysse Normand, Léon Cathlin, Pierre-Jean Jouve évoquent les ravages matériels et moraux causés par la guerre et Pierre Mac Orlan nous dépeint les désillusions qui lui succédèrent.

Enfin, des historiens, Paul Lacroix et Georges Kastner, sans doute sous l’impulsion des recherches qu’ils consacrèrent au moyen âge, rendent hommage à ces oeuvres. Le roman de Paul Lacroix nous replonge notamment dans le Paris de la fin du moyen âge et nous fait assister à une représentation théâtrale de la danse au cimetière des Innocents. Georges Kastner et Edouard Thierry recréent une danse macabre en suivant strictement le modèle médiéval. Dans Le Septième Sceau, Ingmar Bergman fait quant à lui référence aux multiples éléments qui ont donné naissance aux danses. C’est pourquoi, bien que son film soit antérieur à 1930, je me suis permis de commenter certaines scènes qui nous permettent de mieux comprendre le sens des danses.

Les oeuvres que nous avons choisi d’aborder dans cette partie ont pris pour modèle les danses macabres médiévales. Nous allons donc comparer les textes anciens et nouveaux afin de déterminer quels éléments peuvent nous permettre de définir la danse macabre comme genre. Cette mise en parallèle nous donnera également la possibilité de déterminer la spécificité des danses « contemporaines 324». En quoi diffèrent-elles des oeuvres médiévales ? Pour quelles raisons des écrivains, des graveurs, ont-ils fait appel au genre macabre ? Quelle vision de la société les danses macabres nous révèlent-elles ?

Notes
324.

Nous avons choisi de désigner les danses qui ont été écrites aux XIXe et XXe siècles par l’expression « danses contemporaines » afin de les distinguer aisément des oeuvres médiévales. Ce terme fait référence à l’histoire contemporaine qui traite des événements antérieurs à la Révolution.