Les mots reviennent, comme un refrain, au début des danses éditées par Guyot Marchant :
La mort emmène dans ses filets les riches et les pauvres, sans distinction de sexe, et par conséquent, aucun de nous ne peut y échapper.
ajoute un de ceux qui commenta la danse d’Holbein.
Cruelle ironie, mais que de satisfaction également dans une société féodale et hiérarchisée !
Le rythme binaire que nous évoquions en ce début de chapitre va structurer les oeuvres qui se sont inspirées des danses macabres. François Villon, que les écrivains romantiques ont redécouvert, l’a exploité dans le Testament, oeuvre dans laquelle il reprend les motifs des danses :
François Villon, qui avait sûrement vu la fresque des Innocents, procède ici par antithèse : richesse, sagesse, position religieuse, puis sociale, trait moral puis physique. Enfin, il insiste particulièrement sur la femme, décrite par ce qu’elle de plus superficiel, sa toilette et notamment par la partie de son habillement qui rend les dames de cour semblables à celles de petite vertu, les « collets rebrassés », cols à revers laissant apparaître un décolleté en pointe. « Le rythme binaire du huitain 39, insistant, accentué, impose une lecture intertextuelle où c’est la prédominance du couple qui véhicule le mythe de la danse macabre . 393»
Anatole France regrette ces temps où la mort était « sereine », il commente ainsi les danses macabres médiévales :
L’alexandrin rythme cette marche douce et confiante guidée par les souverains qui semblent fiers de conduire jusque dans la tombe ceux qu’ils ont toujours dominés. Mais peut-on parler de « paix profonde » lorsque les mots « destruction », « saisir », « cruele et fiere » résonnent encore à nos oreilles ?
Auguste Hoyau et Albert Ducos du Hauron395 insistent sur le côté ludique de la danse. La mort, ayant revêtu une robe de soirée et épinglé son chignon, appelle les humains en battant la mesure avec un os en guise de baguette :
Alcide Ducos du Hauron commente en ces mots le danse d’Hans Holbein :
Se balancer, sauter, faire des bonds, tourbillonner... les assauts de la mort, bien qu’inévitables, ne manquent pas d’allégresse. La mort, fidèle à la légende qu’elle a tissée au moyen âge, s’empare des plus humbles comme des plus fortunés, et semble même s’amuser à mêler ensemble les diverses classes sociales.
ANONYME, La danse macabre française, édition de Guyot Marchant de 1486, op. cit., p. 143.
AUVERGNE M. d’, op. cit., v. 7-8, p. 266.
ANONYME, Le Mors de la pomme, op. cit., v 100-101, p. 230.
HOLBEIN Hans, Icones Mortis, (Duodecim Imaginibus praeter priores, totidemque inscriptionibus, praeter epigrammata è Gallicis à Georgio A Emylio in Latinum versa, cumulatae), Basileae : Gaspar Trechsel Fratres, 1554, in FORTOUL Hippolyte, La danse des morts dessinée par Hans Holbein, gravée sur pierre par Joseph Schlotthauer, Essai sur les poèmes et sur les images de la danse des morts, Paris : Jules Labitte, 1842, gravure n°3, p. 202.
Le Testament, Poésies complètes, Paris : Librairie Générale française, 1991, huitain XXXIX, p. 115.
TAYLOR J.H.M., op. cit., p. 180.
« La danse des morts », Idylles et Légendes, Paris : A. Lemerre, 1896, p. 110.
Des indications sont données sur cet auteur en annexe 5.
Op. cit., prologue.
La danse macabre au XIXe siècle, poème cabalistique, Paris : Firmin Didot frères éditeurs, 1864, p. 3.