III.3. La séparation de l’Eglise et de l’Etat.

Au tournant du XXe siècle on est en plein débat sur la fin du régime concordataire, mis en place un siècle plus tôt, en marche vers la séparation de l’Eglise et de l’Etat. « Depuis plus d’un demi siècle, la Beauce, et dans une moindre mesure la Perche se déchristianisent avec une rapidité foudroyante. En 1850, le curé d’Outarvill écivait : « Ils sont Beaucerons : gens grossiers, orgueilleux, indépendants qui ne veulent être dominés par qui que ce soit, même pas par le Bon Dieu. » A l’indifférence du milieu du siècle succède le détachement religieux, très sensible par la baisse du nombre des pascalisants et de la fréquentation de la messe dominicale. Avec des variations locales, au début du XXe siècle, la pratique religieuse est devenue très minoritaire. 874»

L’anticléricalisme professé par des fractions de l’opinion imposait une réaction de l’encadrement religieux. Un libraire chrétien, Monsieur Leloup-Lesage créa le Catholique de la Beauce et du Perche pour défendre les principes et la religion. Il s’associa la personne d’Auguste Hoyau pour rendre son almanach plus attrayant. Sa danse fut publiée dans un album tiré à part, sans doute pour le diffuser plus largement875, elle constitue son testament idéologique. Cette oeuvre « est par avance une riposte au « petit père » Combes ; elle affirme hautement la place première de l’Eglise dans la société tant par ses structures que par sa fonction morale et idéologique. 876» Les adversaires politiques du caricaturiste sont d’abord ceux qui militent en faveur de la séparation de l’Eglise et de l’Etat. « La caricature de l’avocat en pleine plaidoirie a permis à Hoyau de raccrocher dans les tribunaux les crucifix enlevés par la République. 877» Le Christ, encadré, trône au-dessus de la mort et le doigt pointé de l’avocat porte notre regard vers sa direction. Il constitue le seul ornement du tribunal. Le personnage du Christ apparaît également sur une croix fixée au mur, derrière la table du tribunal où siégeait le juge. Sa place, en plein centre de l’image, et sa taille assez volumineuse, ne pouvaient passer inaperçues...

L’oeuvre d’Auguste Hoyau a d’abord pour but de défendre la société chrétienne. Le premier personnage est donc tout naturellement le chef de la chrétienté, le pape, accompagné d’un cardinal. « A leurs côtés viennent ensuite les physionomies ecclésiastiques de l’environnement chartrain, l’évêque et le chanoine accompagné du suisse de la cathédrale. Plus politiques sont les figures, mises en avant de l’album, du religieux et de la religieuse, en un temps où les congrégations sont mises à mal dans leurs positions institutionnelles, combattues au nom de la laïcité et de la République. 878» Cette défense de la place de l’Eglise dans la société s’accompagne nécessairement d’une mise en avant des valeurs religieuses. Il arrive ainsi que les danses « contemporaines » renouent avec le premier objectif des danses médiévales : pousser les croyants à se tourner davantage vers Dieu.

Notes
874.

BONNEBAS Mr et Mme, op. cit., p. 10.

875.

« Pourquoi son prix de vente est-il passé de 3 fr. 50 en 1904, à 2 fr. 50 en 1906 ? Peut-être parce que sa diffusion fut plus difficile que prévu, moins bien accueillie que celle de l’Almanach, en raison d’un contenu jugé trop engagé dans le débat politique contemporain. Si tel fut bien le cas, nous aurions là un indice supplémentaire de la perte d’influence d’un certain courant ecclésiastique, s’exprimant au Messager qui subissait la concurrence des autres almanachs catholiques, et davantage encore de la presse républicaine et radicale. » Ibid., p. 11.

876.

Ibid., p. 116.

877.

Ibid., p. 117.

878.

Ibid., pp. 116-117.