CHAPITRE II : Le sabbat des trépassés.

‘ « Sorcières et sorciers se rassemblaient la nuit, généralement dans des lieux solitaires, dans les champs ou sur les montagnes. Ils arrivaient parfois en volant, après s’être enduit le corps d’onguents, à cheval sur des bâtons ou sur des manches à balai, parfois au contraire sur le dos d’un animal, ou transformés eux-mêmes en animaux. Ceux qui venaient aux rassemblements pour la première fois devaient renoncer à la foi chrétienne, profaner les sacrements et rendre hommage au diable, qui était là soit sous forme humaine soit (le plus souvent) sous forme animale ou semi-animale. Suivaient des banquets, ainsi que des danses et des orgies sexuelles. Avant de retourner chez eux, les sorcières et les sorciers recevaient des onguents maléfiques, à base de graisse d’enfant et d’autres ingrédients. » Tels sont les éléments fondamentaux qui reviennent dans la majeure partie des descriptions de sabbats et que l’on retrouve uniformément dans les aveux des participants aux rassemblements nocturnes. « Si l’on se rapporte aux procès de sorcellerie qui ont lieu entre le début du XVe et la fin du XVIIe siècle d’un bout à l’autre de l’Europe, ainsi qu’aux traités de démonologie qui se fondaient directement ou indirectement sur ces procès, on voit émerger une image du sabbat semblable (...). Elle suggérait aux contemporains l’existence d’une véritable secte de sorcières et de sorciers, bien plus dangereuse que les figures isolées, connues depuis des siècles, des jeteuses de sort ou des ensorceleurs. 1188»’

Le thème du sabbat dont certains éléments peuvent être mis en parallèle avec celui de la danse macabre, va être exploité par les auteurs des danses afin de renouveler le motif et de l’adapter aux nouvelles préoccupations de l’époque. Le retour du thème du sabbat au XIXe siècle ne doit pas étonner, il a en fait émergé, comme celui des danses, après avoir été refoulé pendant de nombreuses années. « C’est à partir de l’époque romantique, une fois complètement démystifiés les procès de sorcellerie, que l’opinion s’intéressa de plus près à la réalité cachée du sabbat, tout en posant le problème de la sorcellerie sous son aspect culturel. L’engouement des Romantiques pour le moyen âge, longtemps méprisé par les Classiques, et pour toutes les civilisations dites « barbares », n’allait pas sans provoquer la réhabilitation de tout ce qui avait été rejeté, de tout ce qui avait été maudit durant la période précédente. En outre, on commençait à se pencher sur les traditions populaires, longtemps considérées comme des enfantillages, et que l’on jugea de plus en plus dépositaires de secrets perdus ou occultés. Il n’en fallait pas plus pour faire du sorcier, et surtout de la sorcière, des sortes de grands prêtres héritiers d’une religion archaïque qui n’avait pu se maintenir que dans la clandestinité. 1189» Comme dans toute religion, et nous pouvons en effet accepter que le sabbat ait une portée religieuse puisque ses participants vouent obéissance et respect à un être qu’ils considèrent comme supérieur, Satan ; les réunions des membres se déroulent selon un rituel bien précis : danse, musique, banquet et orgies sexuelles rythment la cérémonie nocturne. Ce sont ces motifs que nos auteurs ont choisi de reprendre pour les adapter au cadre finalement assez strict des danses.

Notes
1188.

GINZBURG Carlo, Le sabbat des sorcières, traduction de Monique Aymard, Saint-Amand : Nrf, Gallimard, 1992, pp. 7-8.

1189.

MARKALE Jean, Les mystères de la sorcellerie, Saint-Amand-Montrond : Gérard Watelet, 1992, p. 259.