I.1.2. Les danses profanes.

Les danses collectives auxquelles l’ensemble du groupe participe pour se divertir restent les formes de danse les plus répandues. Nous évoquerons principalement la carole et la basse danse qui, par leur chorégraphie, semblent se rapprocher des danses macabres et qui demeurent également les plus pratiquées.

La carole est particulièrement surprenante car elle se retrouve à tous les niveaux de la société. Pratiquée par les clercs pour célébrer Pâques, Noël ou la Vierge, elle servait aux divertissements courtois des nobles et le peuple s’y adonnait pour fêter les calendes de mai ou l’amour nouveau. Essentiellement danse aux chansons, « il s’agit d’une danse en chaîne, où l’on se tient par la main et, suivant certaines représentations, par le petit doigt. Les évolutions des danseurs se font généralement de gauche à droite, et la chaîne peut être fermée (dans la ronde) ou bien ouverte. Elle prend alors le nom de « tresque » lorsque pratiquée en milieu paysan elle est guidée par un meneur (...). Souvent exécutée par des femmes seules, la carole n’était pas l’exclusivité de l’élément féminin. De nombreux témoignages attestent dès le XIIe siècle l’existence de rondes masculines, souvent religieuses, et surtout de rondes mixtes qui n’apparaissent qu’assez tardivement dans l’iconographie ». Le mot « carole » est un terme générique pour désigner les danses en chaîne si bien qu’il est impossible de reconstituer le détail des pas, ceux-ci devaient être très divers selon les régions, les époques et les classes sociales. « L’iconographie elle-même reflète cette diversité. Elle distingue en particulier nettement les caroles aristocratiques des caroles paysannes. Les premières, que ce soit celle du Remède de Fortune ou celle du Roman de la Rose, sont dansées de façon très contenue, les corps presque statiques, les pas imperceptibles. Toute idée de mouvement qui contreviendrait à la retenue raffinée et affectée des personnages y est niée. Ces danses d’allure aristocratique s’opposent à la vivacité joyeuse des jeunes filles de Sienne1200, qui participent les unes et les

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’Danse des pastoureaux autour d’un mai’. Heures de Charles d’Angoulême, (vers 1480) Bibliothèque Nationale de paris.

autres à l’exaltation de la prospérité et de la joie de vivre, dans des oeuvres allégoriques à vocation didactique. 1201»

Les danses seigneuriales s’opposent enfin aux danses sautées, comme les branles. Le livre d’Heures de Charles d’Angoulême nous « montre ainsi vers 1480, en lieu et place de l’Annonce aux bergers, une danse de pastoureaux autour d’un arbre de mai. Sur cette miniature, hommes et femmes alternent dans une chaîne ouverte, conduits au son d’une cornemuse par un meneur dont l’attitude est nettement caractérisée : le torse bombé, la main tendue vers l’avant, paume face à terre 1202» ; les danseurs s’adonnent à des mouvements brusques et diversifiés, les genoux se lèvent, les dos se courbent, les bras se plient, les pieds quittent le sol... l’idée d’un rythme est suggérée par le corps.

La basse-danse était habituellement exécutée par couples ou suites de couples. « Dans l’ensemble, il s’agit d’une danse plutôt lente, au maintien noble et gracieux, aux manières contenues et posées. Le terme même de « basse-danse » (ou danse « plate ») signifie que les pieds des danseurs ne devaient pas quitter le sol, même lorsque les musiques imposaient une accélération des mouvements successifs (...). La basse-danse, dans son lieu social de prédilection ; la noblesse, comme dans sa technique relativement complexe qui suscite des manuels écrits par les maîtres de danse, contraste vivement avec les branles populaires du XVe siècle, où la récréation communautaire semble en général la règle, alors que les pas vifs et sautés ainsi que la chaîne continuent d’y être pratiqués. 1203»

Notes
1200.

Fresque d’Ambrogio Lorenzetti, 1337-1339, Sienne, Palais public. Des jeunes filles dansent une farandole en s’accompagnant d’un tambour de basque qui aidait à la danse sans gêner le chant. On distingue une figure particulière : les jeunes filles passent sous les bras tendus à hauteur du visage des deux premières et commencent une haie.

1201.

JULIAN M. et LE VOT G., op. cit., p. 114.

1202.

Ibid., p. 114.

1203.

Ibid., pp. 115-116. « Le premier mouvement est la révérence que le cavalier exécute pour saluer la dame. Le deuxième, appelé branle, ne doit pas être confondu avec la danse du même nom, puisqu’il s’agit d’une oscillation du corps porté alternativement sur les deux jambes. Le troisième mouvement est le pas simple qui consiste simplement à avancer un pied puis à en rapprocher l’autre. Il donne naissance au pas double qui, plus que la réunion de deux pas simples, apparaît avec des découpements variables. Enfin le cinquième mouvement : la reprise, se caractérise par les remuements des genoux et des pieds. A ces cinq figures principales, il faut ajouter, pour être complet, la démarche ou pas en arrière, dont la fonction est assez analogue à celle de la reprise, et le congé qui clôt la danse. »