I.1. L’apparat.

L’espace du bal est synonyme de richesse. Celui qui l’organise montre à ses invités l’étendue de ses biens et ceux-ci, en retour, se parent d’atours extravagants pour se faire voir et pour démontrer combien ils sont dignes d’être conviés par leur hôte. Le prince Prospero « convoqua un millier d’amis vigoureux et allègres de coeur, choisis parmi les chevaliers et les dames de sa cour, et se fit avec eux une retraite profonde dans une de ses abbayes fortifiées 1621». Le nombre des « amis » parmi lesquels il a fallu opérer une sélection et la multiplicité des domaines sont tout deux garants de l’opulence du personnage princier. L’auteur resserre ensuite le cercle des possessions et nous fait pénétrer dans une demeure, choisie comme au hasard. « C’était un vaste et magnifique bâtiment, une création du prince, d’un goût excentrique et cependant grandiose. 1622» Ce procédé joue sur l’idée d’une profusion illimitée et nous plonge dans l’univers des contes.

Honoré de Balzac use d’un moyen tout à fait différent dans Sarrasine, il ne situe pas son action dans un lieu indéfini mais dans Paris, il fait appel aux connaissances de son lecteur et cible très précisément la société qu’il décrit. La « soirée » se déroule dans un « hôtel », et par le biais d’une horloge, « minuit venait de sonner à l’horloge de l’Elysée-Bourbon 1623», nous pénétrons dans un milieu bien délimité. « Une logique métonymique conduit de l’Elysée-Bourbon au sème de richesse, puisque le faubourg Saint-Honoré est un quartier riche. Cette richesse est elle-même connotée : quartier de nouveaux riches, le faubourg Saint-Honoré renvoie par synecdoque au Paris de la Restauration, lieu mythique des fortunes brusques, aux origines douteuses ; où l’or surgit diaboliquement sans origine. 1624»

La richesse se lit ensuite dans la prodigalité de celui qui reçoit, elle est ici soulignée par l’énumération et l’emploi de termes génériques. « Le prince avait pourvu à tous les moyens de plaisir. Il y avait des bouffons, il y avait des improvisateurs, des danseurs, des musiciens, il y avait le beau sous toutes ses formes, il y avait le vin. 1625» Ailleurs, ce sont les commentaires de deux interlocuteurs qui nous fournissent des indications sur les Lanty, ceux-ci donnent un bal où la « foule » est « enivrée par tout ce que le monde peut offrir de séductions » :

« Ces gens-là doivent avoir une fortune immense ?
- Mais il le faut bien.
- Quelle fête ! Elle est d’un luxe insolent. 1626»

Notes
1621.

POE Edgar Allan, Le Masque de la Mort Rouge, Nouvelles histoires extraordinaires, traduction de Charles Baudelaire, Manchecourt : GF-Flammarion, 1992, p. 191.

1622.

Ibid., p. 191.

1623.

BALZAC H. de, op. cit., p. 1043.

1624.

BARTHES Roland, S / Z, Evreux : éditions du Seuil, 1976, p. 28.

1625.

POE E.A., op. cit., pp. 191-192.

1626.

BALZAC H. de., op. cit., p. 1044.