II. Un sabbat humain.

Placé au centre de la scène et non plus simple témoin, le personnage se trouve contraint de participer à un sabbat d’un genre nouveau où les masques se substituent aux démons et aux squelettes qui ne sont plus conviés à participer à la fête...

II.1. La blancheur nocturne.

De la même façon que dans les scènes de bal ou de sabbat, c’est au cours d’une nuit fantasmagorique que l’étrange fait son apparition. « C’était le soir 1836», un soir troublé par les éléments météorologiques, le ciel est « pluvieux 1837», un « grand vent 1838» se lève.

Le « clair de lune 1839» recouvre la campagne d’une lumière phosphorescente, la lune « semblait répandre sur cet équivoque paysage de banlieue une nappe grésillante de sel 1840» ; la lumière nocturne « fait / Opaline » les « formes toutes blanches, / diaphanes 1841» ; les rayons lunaires peuvent aussi véhiculer un halo de douceur et transformer les astres en objets fragiles et délicats :

« Le ciel sans teinte est constellé
D’astres pâles comme du lait 1842»

« Le ciel n’a plus qu’une exquise absence de teinte, et la pâleur des astres s’accorde avec celles de la nudité féminine dont la lumière s’atténue dans le jour finissant, et du reflet humain dans l’eau 1843», cette blancheur se projette sur le visage de « l’arlequin blême » et se dépose sur « l’étoile » qu’il « manie à bras tendu 1844». La douce lumière laiteuse de la voie lactée se reflète sur les personnages et enveloppe le poème d’une atmosphère féerique.

Dans la ville minée par la tristesse du poète le ciel a disparu et les lampadaires se sont substitués à la douce lumière lunaire, ils éclairent la scène d’une lumière artificielle et sans âme, ces « feux vagues et ternes » dirigent le regard du spectateur vers la terre :

« Sur le pavé noirci les blafardes lanternes
Versaient un jour douteux plus triste que la nuit (...). 1845»

L’accumulation des adjectifs dépréciatifs, « noirci », « blafarde », « douteux », « triste » et l’utilisation du verbe « verser » contribuent à nous donner l’impression d’une descente dans le gouffre infernal de la capitale.

Notes
1836.

Ibid., p. 48.

1837.

MUSSET A. de., op. cit., p. 274.

1838.

LORRAIN J., « Les trous du masque », op. cit., p. 71.

1839.

VERLAINE P., op. cit., p. 71.

1840.

LORRAIN J., « Les trous du masque », op. cit., p. 72.

1841.

VERLAINE P., op. cit., p. 71.

1842.

APOLLINAIRE G., « Crépuscule », op. cit., p. 64.

1843.

DURRY M.J., Guillaume Apollinaire, Alcools, Tome II, op. cit., p. 60.

( M.J. Durry cite deux pages plus loin ces vers de Sagesse :

« L’onde, roulée en volutes,

De cloches comme des flûtes

Dans le ciel comme du lait. » )

1844.

APOLLINAIRE G., op. cit., p. 64.

1845.

MUSSET A. de., op. cit., p. 274.