Pierre Mac Orlan,

La danse macabre, 1927.

Invitation à la valse

Voici la mort qui a toujours raison, qui ne suit jamais la mode et porte éternellement

son costume de hussard anatomique. Elle joue, entre les rideaux du lit, la gaie compagne nordique promise aux guerres futures. Elle fréquente les spiritueux, le sexe délicat des filles, les fourneaux des cuisines renommées ; Elle s’étale comme une pieuvre au fond du verre du buveur d’eau . Elle emprunte, pour conquérir l’homme, les routes du plaisir et celle de la vertu . C’est à désespérer d’être sage.

La mort devrait accorder aux justes et, en général, aux hommes d’une propreté relative une prolongation de leurs jours et remettre l’échéance à un siècle plus tard. Ainsi, tout au moins, la vertu trouverait une manière de récompense dans l’accomplissement de ses monotones disciplines. Et les vieillards seraient tous honorés.

Toutes les danses macabres sont d’accord sur ce point. Le riche, le pauvre, le juste et le méchant se mêlent dans la pourriture sucrée qui précède la chimie mystérieuse de la métempsycose. Spinoza buvait du lait dans une crémerie d’Haarlem en pensant à ces choses. Nous en savons autant que Spinoza mais nous n’y pensons jamais. Un jour ou une nuit marquée par le destin, la mort tourne le coin de la rue et vous assassine. La rue de l’embuscade est tenue secrète heureusement. Mais tout le monde y passe. Elle fait le tour du champ de bataille et du lit clos, elle suit les fleuves et les mers et le ciel où les prières anciennes se confondent avec les fumées des grandes usines et les gaz pestilents des automobiles.