Prostitution

La plupart des femmes qui font partie de ce grand collège meurent jeunes. Les poètes les crucifient, mais ce supplice ne leur fait pas mal. La crucifixion d’une Madeleine n’est pour elle qu’une manière de s’offrir à l’étalage comme une marchandise impudente. Tout est à vendre au détail dans un corps de fille. Une fille se dépèce comme un boeuf et ceux qui tiennent en main ce commerce de boucherie connaissent le prix des morceaux.

Crucifiées, elles le sont, mais devant la porte du bordel.

Une telle exposition n’inspire aucune méfiance au client et le protège contre un certain mysticisme réfrigérant. Il choisit ce qu’il veut, palpe et paye.

Le peuple des bouchers qui trafiquent de cette chair est plus inquiétante que les victimes dénudées. Ceux-là, bien acagnardés dans leur estaminet de prédilection, dirigent à travers le monde, vers toutes les foires aux croupes, le troupeau docile des femmes ricaneuses.

La mort choisit vite parmi toutes les petites alliées des déchéances viriles. Elle choisit vite par pitié, sans doute, car il vaut mieux ne pas imaginer la vieillesse de ces errantes blanches et rouges.

Toutes ces filles d’amour réunies sur une île qu’on appellerait Cythère, encore une fois, pourraient lui donner les apparences et les réalités d’un bagne.

Devant la porte monumentale de ce bagne, on pourrait effectivement dresser la victime clouée sur sa croix et tenant entre ses dents une pancarte roussie par le soleil et portant ces mots :

Priez pour nous.