L’assistance publique

La mort pénètre un soir de décembre dans un logis théoriquement consigné aux locataires par le comité d’hygiène publique.

Dans ce logis, où tous les désastres de la vie viennent se réchauffer par une nuit d’hiver, il y a la faim avec son ventre noué et vert, la soif couleur d’éponge sèche, le froid couleur de poêle vide et rouillé. Le hideux Haillon qui à lui seul symbolise toute la déchéance sociale tonne et ratiocine. Il y a de quoi.

On ne sait jamais le nom de la personne qui a donné les derniers sous qui permirent l’achat du charbon homicide. Ceux qui reçurent ces sous et les consacrèrent à l’achat d’un sac de charbon comprirent nettement que ces quelques sous seraient les derniers qu’ils toucheraient de leur vie. Dans le cas contraire l’espoir d’en revoir de semblables les eût conduits à les dépenser au profit de leur propre existence. Bien loin ces misérables connurent au moment même où une main anonyme leur confiait cette aumône, que cette même main les poussait irrésistiblement au suicide. Il y a dans ce fait un mystère douloureux qui se met en boule et se hérisse quand on essaye de le pénétrer.

Quoi qu’il en soit, la généreuse aumône a payé à la mort son obole. Le feu est allumé. Demain la concierge ira chercher un serrurier. Â la porte du logement insalubre d’autres attendent pour louer le taudis et reprendre le fourneau encore tiède et plein de promesses du même genre.