ULYSSE NORMAND

La danse macabre.

Poème. 1914- 1915- 1916- 1917. (extrait)

La danse macabre.

En rond maint squelette,
Dont chaque os cliquette,
Danse et tourniquète
Tant qu’une claquette
Cadence le pas.
Chacun gesticule,
Avance et recule,
Tandis que circule
Un son qui stimule :
Le rythme d’un glas.
Ronde noctambule,
Lueurs de lunule
Que fuit la noctule.
Un hibou hulule
A son noir guichet,
Un spectre en cuculle,
Mort de tarentule,
Se démantibule,
Prend sa clavicule
En guise d’archet.
Bal de mi-carême.
Saint-Thomas blasphème :
Tiare anathème !
O croix, diadème,
Au feu !... Requiem !
Plus loin Nicodème
Embrasse un poème,
Un vieux savant blême
Déchiffre un problème
Sur Mathusalem.
Un grand qui gigote
Brandit sa marotte
Dont les rubans flottent,
Les grelots grelottent
Dans l’affreux chorus.
Portant mître et crosse,
Un autre le rosse,
Criant tant qu’il crosse
Ce fou qu’il désosse :
Pater !... Orémus.. !
La ronde fantasque
Avance en bourrasque :
Hector perd son casque,
Arlequin son masque,
Un fripon son frac.
Bientôt tout s’amasse :
Or, satin, cuirasse ;
Faisant la grimace,
Un enfant ramasse
Tout ce bric-à-brac.
Tout gémit, tout craque,
Dans l’antre d’Eaque :
Dante ou Télémaque,
Fils du roi d’Ithaque,
N’ont pas vu cela.
Un long tentacule
Me prend, me strangule
L’horreur coagule
Mon sang. Je recule,
Et m’enfuis de là.
Coise, 26 février 1916.