Vers les routes absurdes.
Fin de La grande danse macabre des hommes et des femmes.
Le second syndicat.
Tu en as fait du joli, mon vieux Lévy!
Pourquoi as-tu serré si fort?
Le tailleur juif
J’ai hérité d’une paire de mains
Qui, lorsqu’elles se sont fermées sur une chose,
Ne savent plus s’ouvrir.
Au revoir!
Le second syndicat.
Où vas-tu?
Le tailleur juif.
Je vais coudre.
Pendant que je suis là, à recevoir vos apostrophes,
Personne ne gagne pour les miens.
Le croque mort.
Il m’a pris mon gagne-pain
Et il va coudre.
Le moine.
Juif, tu nous a causé le plus grand préjudice,
Et tu vas coudre ?
Le croque mort.
Mort au Juif!
Les Jockeys.
Mort au Juif!
Le courtier d’assurance.
Mort au Juif!
Le boiteux.
Mort au Juif!
Le tailleur.
Toujours cet inlassable cri,
Quoi que je fasse!
Le Directeur.
Et moi, qui lui donnait du travail, autrefois,
Sous Waldeck!
Sus au Juif!
Le tailleur.
Il va enfin payer sa note.
La laveuse.
Mais ils vont l’assommer!
Le stropiat dresse ses béquilles.
Les camelots ramassent des pavés.
Le sous-officier laisse faire.
Le Directeur sourit!
La mort.
Lâches, laissez cet homme!
Il est à moi!
Vous êtes tous à moi!
Le moine.
Miracle!
La laveuse.
Ah! Ce n’est pas de jeu!
J’ai eu assez peur tout à l’heure!
Et voilà que ça va encore recommencer!
Le second syndicat.
Cette fois-ci, c’est pour de bon, je pense!
La stoppeuse.
Pourquoi qu’elle ressuscite?
Le second syndicat.
Ces hommes braves
Ecoeurent jusqu’aux plus morts, sans doute!
La mort.
Et ils ne sont jamais contents!
J’apparais, ils se sauvent.
Je me laisse mourir,
Tout leur semble fini, ils ne savent que faire!
Le boiteux.
Mais si! Mais si!
L’aviateur.
J’ai des engagements pour la grande semaine!
La mort.
Mais toi, chef de commis dégoûté de toi-même,
Réjouis-toi. Tu m’as appelée, je suis là!
Le Directeur.
Aie ! Aie ! Elle m’arrache l’oreille !
Lâchez-moi! Je suis attendu à la Présidence du Conseil !
Le tailleur juif.
Comme toujours, le voilà qui se défile.
La mort.
On finira sans toi.
Le Directeur.
Je serai oublié!
C’est ce soir que l’on signe
Le mouvement de l’Exposition de Messine.
J’aurai un régiment pour m’enterrer demain!
Aujourd’hui, c’est un pauvre petit bataillon,
Et sans musique.
Le tailleur juif.
Il n’en aura jamais assez!
Le Directeur.
J’ai lu déjà tant de fois mon nom à l’Officiel.
Et cette fois-ci, la plus belle, la dernière!...
S’il est des jours amers, il en est de si doux!
Le second syndicat.
Un lettré meurt.
Le Directeur.
Je ne veux pas mourir encore.
La mort.
Va-t-il nous réciter tous ses auteurs?
Le second syndicat.
Que ne dirait-il pas pour gagner quelques heures!
Le moine.
C’est ton Confiteor qu’il faut dire!
La mort.
Oui! c’est assez! En avant, en avant!
Le second syndicat.
On vient!
Le tailleur juif.
On vient!
Le moine.
Ta main ne tremble pas, Juif?
Le tailleur juif.
Touche ma main.
Pourquoi tremblerait-elle plus que la tienne,
Moine!
Le moine.
Tu n’as pas d’espérance.
Le tailleur juif.
Mon fils vit.