1.5. Quelle culture la formation littéraire construit-elle ?

L’on ne peut pas reprocher aux Instructions Officielles qui concernent aujourd’hui la formation par la littérature de verser dans l’encyclopédisme, ne serait-ce que parce que les autres disciplines imposent elles aussi leurs exigences. Toutefois, dans la réflexion qui entoure les instances ministérielles, il est évident qu’une tendance se fait jour, à travers les personnes sollicitées par les ministres successifs de cette décennie. Même si chacune d’elles a une conception large des savoirs à acquérir et insiste, comme le fait Edgar Morin, sur la nécessité de prendre en compte la complexité, toutes ont en commun d’insister sur l’importance des démarches cognitives, spécialement les scientifiques comme Pierre-Gilles de Gennes, Roger Fauroux, ou les philosophes comme Alain Etchegoyen ou Luc Ferry.

Par ailleurs, dans la mise en cause de la modernité, chacun en vient à insister sur des axes qui lui semblent pour demain prioritaires : les uns, sur la dimension religieuse de la culture, d’autres sur la nécessaire maîtrise des moyens de la communication et de la gestion, d’autres sur la sexualité, sur l’éthique, d’autres tout aussi légitimement sur la citoyenneté et la laïcité.

Toutes ces instances, ces groupes en recherche semblent, à partir de leur point de vue, inviter au dépassement des savoirs et des savoir-faire, pour atteindre des savoir-être et des savoir-devenir, visant en quelque sorte à construire une culture moderne. Les formules les plus ambiguës sont employées, le mot culture étant encore marqué de défaut :  la culture « cultivée » est rejetée , la culture « paillette » tout autant.

On en vient à des formules comme « savoir minimum commun », « survival kit » (kit de survie ) proposé par l’OCDE, ou même « smic » culturel.

Tout cela traduit, à la fois, un mouvement de fond et un grand embarras. Cette situation, pour évolutive qu’elle soit, ne facilite pas l’action des enseignants en direction de leurs élèves-lycéens, ni même l’action des enseignants sur eux-mêmes dans l’évolution de leur rapport au savoir.

Aussi sommes-nous d’accord avec le constat dressé par Nathalie Guilbert, quand elle écrit : « L’institution scolaire n’a pas encore pris l’initiative d’essayer de définir cette culture commune ». 14 Et nous retiendrons avec elle la formule de Claude Lelièvre : « Ce travail est donc devant nous ».

Notes
14.

Guilbert (Nathalie), « Derrière les contenus, les missions de l’école », in Le Monde du 12 juillet 1999.