2.3.3. La méthode en anthropologie.

Une telle science nécessite une méthode réglant, de façon rigoureuse, le rapport entre le chercheur et la réalité de son étude. Pour comprendre un phénomène social total, il faut l’appréhender totalement, c’est à dire du dehors comme une « chose », mais aussi du dedans comme une « réalité vécue ». Par une attitude « d’observation participante », l’anthropologue l’appréhende tel qu’un « observateur étranger peut le percevoir », mais aussi tel que les « acteurs sociaux le vivent » 54 . Et il pourra de la sorte prendre conscience des spécificités de cette société locale ainsi que des ressemblances et des appartenances à la société globale et à ce qu’elle a de plus complexe, ou à l’humanité et à ce qu’elle a d’universel. S’il est vrai, comme l’affirme Claude Levi-Strauss, que « les  sociétés humaines ne sont jamais seules » et que la diversité des cultures « est moins fonction de l’isolement des groupes que des relations qui les unissent » 55 , il s’ensuit qu’une analyse anthropologique ne saurait se limiter à l’étude d’un groupe humain isolé. L’anthropologie, qui procède par extrapolations et par généralisations successives, peut être ainsi définie comme la discipline qui pense le fait humain en décrivant le rapport du particulier au général, en s’appuyant sur une analyse approfondie de la cohérence formée par les propriétés de la réalité humaine décrite et en tentant d’expliquer la logique plus complexe des mondes humains qui entourent et qui englobent cette réalité. Ainsi, à partir de l’analyse d’un groupe humain particulier, et au-delà des traits communs superficiels, le fait humain, comme expérience d’être au monde, peut être entrevu dans son universalité.

Ajoutons que, pour saisir une réalité aussi complexe par nature, l’anthropologue va devoir mettre en oeuvre une multiplicité de savoirs et de savoir-faire et devoir gérer la construction de son objet dans une complémentarité des approches. « La notion de système culturel, d’unité des groupes culturels, autorise l’anthropologue à établir sa juridiction pluridisciplinaire sur des domaines dont il n’est pas, par définition, spécialiste » 56 (ce qui n’exclut pas que ces méthodes, à travers une familiarité sans cesse accrue, puissent être correctement maîtrisées).

Notes
54.

Laplantine (François), L'anthropologie, Paris, Seghers, 1987, p.87.

55.

Levi-Strauss (Claude), Race et Histoire, Anthropologie structurale II, Paris, Plon, 1973, p. 382.

56.

Auzias (Jean-Marie), L'anthropologie contemporaine, Paris, PUF, 1976, p.119.