4.3. Evaluation des mérites et des limites de l’approche sociocritique.

4.3.1. Enquêtes auprès d’enseignants de Français.

Quels peuvent être les intérêts et les limites d’une telle approche littéraire ? Le propos qui suit va faire état des éléments d’une telle évaluation, éléments que nous avons pu repérer au cours de la réflexion ou de l’expérimentation, soit sur le plan purement théorique, soit sur le plan de l’utilisation pédagogique, sans oublier que le premier apprenant est l’enseignant, avant l’élève. Aussi convient-il de s’interroger sur les conditions d’une acquisition de la méthode par les enseignants eux-mêmes et sur les raisons de leurs éventuelles réticences.

Les diverses séquences proposées plus loin (chapitre 16, volume 3) ont donné lieu à une expérimentation pédagogique puis sont devenues l’objet et le contenu d’une formation en particulier en direction d’enseignants de lettres de lycée, désireux de perfectionner leur pratique de la lecture des oeuvres.

Si l’on veut admettre qu’un discours théorique sur le texte par les tenants de l’approche sociologique de la production littéraire présente quelque validité, reste à vérifier que le principal utilisateur et propagateur de la démarche, l’enseignant, soit convaincu de la validité du propos et, l’étant, l’utilise dans les conseils méthodologiques qu’il donne pour aider ses élèves de lycée à maîtriser la lecture en s’appropriant, entre autres, cette approche. C’est pourquoi, à l’occasion d’une des actions de formation auxquelles nous venons de faire référence, a été proposé aux enseignants présents un questionnaire visant à vérifier l’état de leurs connaissances, leurs pratiques, et à leur permettre d’exprimer l’intérêt qu’ils portaient à cette approche, ou éventuellement les raisons de leurs rejets de la démarche sociocritique.

Les questions 1, 2 et 3 veulent vérifier la réalité des connaissances et la justesse des connaissances par croisement. Les questions 4, 5 et 6 vérifient l’emploi de la démarche et si cet emploi est lié à la facilité d’appréhension ou d’utilisation de celle-ci. La question 7 vérifie le degré de satisfaction des utilisateurs. La question 8 veut savoir s’il n’y a pas à côté de mérites reconnus, des raisons « idéologiques » de refus.

Précisons que ce questionnaire a été proposé à un groupe de 18 enseignants au cours d’un stage de formation continue qui portait sur la lecture de l’œuvre complète à l’aide de la critique contemporaine.

A la question 1, relevant de la connaissance, tous en avaient entendu parler. A la question 2, concernant le statut du texte, 9 considèrent que le texte est bien le reflet d’une société ou bien d’un groupe social, 7 tiennent à affirmer malgré tout que le texte est le produit d’un auteur. A la question 3, qui porte sur la fonction du texte, 13 pensent que le texte traduit les aspirations d’une société. A la question 4, 12 s’accordent pour dire qu’ils ont facilement saisi la démarche de la sociocritique, et l’ont aussi facilement utilisée (question 5).

S’ils s’accordent à reconnaître le bien-fondé de certaines affirmations (6a), ils s’opposent vigoureusement à ce qui paraît trop dogmatique dans l’approche (6b) : « systématisation réductrice » (3), « autosuffisance » (2), 10 concèdent avoir découvert dans un texte, grâce à cette méthode, des éléments nouveaux, en particulier l’existence de structures ou de fonctionnement sociaux, 9 reprochent à cette approche de ne pas atteindre l’essentiel, la philosophie, le beau. Il n’en reste plus que 4 à être d’accord pour utiliser cette approche, la plupart lui concédant une fonction secondaire, 3 s’opposant farouchement à sa démarche.