5.1. De l’utilisation de l’approche structurale.

Paradoxalement, on mesure mieux aujourd'hui à quel point les années soixante, avec l'exceptionnel développement des sciences humaines et sociales, furent fascinées par le modèle linguistique et les méthodes d'analyse formelle et furent marquées par le structuralisme. Placée sous la double ascendance prestigieuse de la linguistique et de l'anthropologie, c'est à deux spécialistes de ces disciplines (un linguiste, Roman Jakobson, et un anthropologue, Claude Lévi-Strauss) que la méthode structurale appliquée au texte dut sa nouvelle percée en France entre 1960 et 1970.

Si la distance qui nous sépare aujourd'hui de la génération structuraliste nous éloigne des controverses et des démarches souvent disparates qui s'affichaient alors, dans le domaine de l'analyse textuelle, sous l'étiquette commune de "structuralisme", en revanche cette distance nous permet, de mieux appréhender, à leur juste place et dans leur unité, les principes d'une telle démarche méthodique appliquée au texte littéraire. Cette distance nous permet aussi de mettre à profit les différentes retouches que n'ont pas manqué de susciter les modèles d'approche structurale des initiateurs. Nous ferons appel, en particulier, aux travaux de Mickaël Riffaterre qui, en établissant certaines règles de fonctionnement méthodologique pour valider le discours critique, renouvelle considérablement l'approche structurale et en fait une véritable poétique de la lecture.

En effet, il s'agit non seulement de rechercher une méthode de lecture efficace et pratique, permettant à l'étudiant ou au lycéen un gain d'autonomie dans sa relation au texte ou à l'oeuvre, mais aussi de déterminer les conditions et les démarches qui valideront son analyse structurale ou poétique du texte ou de l'oeuvre approchée, compte tenu de la nature de ceux-ci. Il s'agit par ailleurs d'évaluer, compte tenu des nécessités pédagogiques, anthropologiques et culturelles qui s'imposent à nous, les savoirs et les savoir-faire transmissibles à l'occasion de l'acquisition de cette méthode de lecture. Rappelons , toutefois, que, comme au chapitre précédent, le propos n’est pas ici de présenter le dispositif des séquences didactiques par lesquelles un enseignant de lettres peut permettre à ses élèves de s’approprier ces démarches méthodologiques. S’il nous arrive d’y faire allusion, ce ne sera qu’incidemment et le lecteur est renvoyé pour ces questions au chapitre 16, volume III.

Par ailleurs, avant d'examiner les mérites et limites de la méthode structurale, avant de spécifier les conditions de validité d'un discours sur l'oeuvre produit à partir de l'utilisation de cette approche, avant même de définir les modalités d'une telle lecture, (réflexion que nous illustrerons par une application au roi pêcheur de Julien Gracq), il convient de rappeler quelle théorie ou quelle conception du texte, quels concepts ou quels présupposés sous-tendent cette approche.