5.1.4. Application au roi pêcheur de la méthode structurale microanalytique selon Jakobson et Lévi-Strauss.

Posant comme postulat que, dans une réalité étudiée, les structures dévoilées localement se retrouvent globalement et vice versa, le structuralisme anthropologique invite le lecteur à prolonger l'analyse globale de l'oeuvre, à travers un autre modèle théorique et pratique d'approche structurale applicable au niveau d'un extrait de l'oeuvre. En proposant à ses élèves comme référence de cette approche l'explication donnée par Roman Jakobson et Claude Lévi-Strauss des "Chats" de Baudelaire 86 , l’enseignant a la possibilité, non seulement de réaliser une investigation microanalytique d'un fragment de l'oeuvre, mais aussi d'examiner, dans la comparaison des résultats des deux analyses effectuées à l'un et l'autre niveaux de la production, dans quelle mesure il y a bien identité de structures dans les réalités globale et locale de l'oeuvre et de vérifier que, si le tout contient la partie, la partie contient également le tout.

Rappelons que l'analyse structurale du sonnet de Baudelaire réalisée par Jakobson et Lévi-Strauss repose sur l'existence de "niveaux" ou de systèmes constitués comme signes. S'appliquant à repérer les divisions fondamentales du texte, les auteurs s'appuient tour à tour sur l'analyse du système phonétique des sonorités, sur l'examen du système sémantique (à partir des faits lexicaux ou des tropes), sur l'observation des faits grammaticaux (morphologiques ou syntaxiques). Ils s'attachent par ailleurs à montrer de quelle manière "les différents niveaux [...] se recoupent, se complètent ou se combinent", concluent en définitive au caractère équivalent des systèmes "qui s'emboîtent les uns dans les autres et qui offrent dans leur ensemble l'aspect d'un système clos" 87 .

Est‑on sûr que cette démarche s'applique comme telle à un texte de théâtre ? Une fois acquise la maîtrise de l'approche structurale sur un texte de type narratif ou poétique au système énonciatif univoque, le lecteur qui se donnerait comme objectif d’analyser, en suivant ces principes méthodologiques, un passage d’une pièce de théâtre telle que Le roi pêcheur de Julien Gracq, pourrait énoncer, en présence d’un fragment de la pièce, le plan d’action qu’il doit nécessairement mettre en place pour réaliser l’approche structurale de ce texte dramatique, en nommant les systèmes de signes analysés, les opérations conduites dans l’analyse des différents signes, et l’ordre des étapes lui permettant d’aboutir à la production d’un paragraphe de synthèse qui rende compte des significations du texte et de leurs signes. Pour ce plan de travail, il faudrait prendre en considération la spécificité du texte de théâtre et procéder, en conséquence, aux transpositions qui s'imposent des données du modèle initial. En effet, si l'on veut bien admettre d'une part que le texte dramatique est par nature plus complexe qu'un texte littéraire poétique ou narratif, dans la mesure où son mode énonciatif lui‑même est essentiellement composé, non d'undiscours, mais "d'une confrontation de discours" 88 (si l'on veut bien admettre, d'autre part, que la réalité qui doit être appréhendée dans l'analyse, c'est bien la réalité de la représentation proprement théâtrale, 89 en d'autres termes que le texte doit être conçu comme un substitut de la réalité scénique de la représentation), l'application, à un texte dramatique bref, du modèle de l'approche structurale proposé par Jakobson et Lévi‑Strauss pourrait donner lieu à la suite des opérations suivantes :

  1. Lecture générale du texte et formulation d'hypothèses d'interprétations,
  2. Repérage et analyse des didascalies (qui offrent l'avantage de faire prendre conscience au lecteur de la réalité de la représentation et qui l'induisent à construire le texte comme espace scénique),
  3. Recherche, dans le texte, des éléments informatifs susceptibles de renforcer ou de remplacer les indications scéniques,
  4. Découpage du texte en séquences à partir de ces signes,
  5. Analyse du texte à dire par les acteurs à partir des champs lexicaux (ou thèmes), à partir des faits de langue, à partir des figures de style, à partir du rythme (longueur respective des différentes répliques) et de la prosodie (en particulier s'il s'agit d'un texte de théâtre versifié),
  6. Évaluation des signes de la mise en scène proposée par l'auteur et éventuellement par le metteur en scène,
  7. Synthèse générale de l'approche sous la forme d'un plan de communication.
  8. Si l'on applique un tel dispositif d'analyse méthodologique au texte pris dans l'acte II du RoipêcheurGracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948: Le texte choisi commence à la page 72: « On entend un bruit de rames sur le lac » et se termine à la page 75, sur la dernière réplique de Perceval : “Vous avez entendu parler du Graal”., correspondant à l'importante scène de la "pêche miraculeuse", on pourra, par cette procédure d’analyse, faire apparaître les éléments ou les signes du texte entrant dans sa composition.

p142-4

Comme on peut s'en convaincre à la lecture du tableau, on a considéré d'abord le "non‑dit de la scène" représenté, dans le texte, par les différentes didascalies 91 . Dans la mesure où l'analyse vise à cerner précisément, à travers la référence du texte, la réalité objective de la scène et de la représentation, on a choisi de distinguer, dans l'inventaire et l'observation des didascalies, la réalité proprement textuelle (par l'indication des champs lexicaux) et la réalité proprement théâtrale (par la désignation aussi précise que possible des éléments de la réalité scénique en jeu dans la représentation et dans la réception). C'est ainsi que la didascalie initiale du texte 92 dont on peut rendre compte, en première analyse, à travers les champs lexicaux des sensations auditives, de l'eau, de la navigation, de l'agitation, de l'incertitude ou du secret et de l'environnement spatial, peut être interprétée, comme correspondant, dans la réalité de la représentationthéâtrale, aux sensations surtout auditives, qui, perçues par le public, le conduisent à imaginer, à partir de la nature spécifique et reconnaissable des bruits perçus, une scène de navigation qu'une élévation, dans le relief du décor, l'empêche de voir. Comme on le constate, cette double lecture des didascalies a l'avantage de conduire progressivement à l'interprétation.

Dans la mesure où les propos des personnages sont toujours "référés à [leur] origine", et où chacun s'exprime "relativement à sa situation, à ses désirs, à ses interlocuteurs 93 , la nécessité s'impose au lecteur de procéder, dans son analyse du "texte à dire" par les acteurs, à une étude différenciée du discours 'propre à chaque personnage, une telle étude pouvant s'effectuer à deux niveaux, celui de la réplique d'abord, prise comme "unité d'énonciation du texte théâtral" 94 , celui de "l'ensemble des répliques d'un même personnage", considéré comme le rôle ou le "texte" du personnage. La prise en compte de chaque discours, dans sa singularité, sans compromettre la saisie de la situation objective qui est à la base de l'échange ou de la confrontation des discours, rend possible l'étude du comportement et des réactions spécifiques de chacun des personnages, ainsi que de leurs relations mutuelles, et peut aussi permettre au lecteur de repérer et d'interpréter, à partir des indices qui attestent une direction des acteurs, ou une mise en scène "un discours général de l'oeuvre, voire de l'auteur" 95 , ou du metteur en scène. L’analyse de la dernière réplique du texte choisi dans Le roi pêcheur, suffirait, par exemple, à caractériser le personnage de Perceval. L'observation des champs lexicaux et des principaux faits de langue dont son discours fait usage permettrait d'identifier, en lui, un être de passion, franc et communicatif, peu enclin à retenir un secret, obnubilé par l’objet qu'il poursuit, obsession que trahissent, chez lui, la répétition du mot "graal" et 1’interrogation empressée qu'il adresse à Amfortas. Si l'on rapproche cette réplique de l'ensemble du discours tenu, dans ce texte, par le même personnage, on pourra conclure, de toute évidence, au caractère généreux, entier, expansif, mais aussi naïf du personnage.

En poursuivant, de la sorte, l'analyse croisée du discours des acteurs et l'analyse des didascalies, nul doute que le lecteur va progressivement voir s'établir un certain nombre de relations et de structures productrices de sens. Ces différentes significations une fois avérées et établies, il pourra en rendre compte sous la forme d'une communication synthétique et structurée.

Ainsi, s'agissant du texte extrait du roi pêcheur, le lecteur, au‑delà d'un premier niveau de lecture et d'interprétation, celui de la pêche d'un poisson qui est l’occasion d'une rencontre entre un chevalier et un roi pêcheur (interprétation que les propos des personnages ou le non‑dit de la scène corroboreraient sans peine), sera en mesure de développer d'autres niveaux de signification. Il peut, en effet, dans un deuxième temps, démontrer que Julien Gracq, à travers la vision des protagonistes et la fascination de certains d'entre eux, souligne le caractère prodigieux de cette pêche et le mystère qui l’entoure. C'est ainsi que l'auteur, sans donner à voir cette scène aux spectateurs, conclusion à laquelle nous sommes parvenus dans notre analyse de la première didascalie, fait de ses personnages les témoins d'une action prodigieuse : l'admiration des serviteurs que suscite, d'entrée de jeu, l'ampleur du poisson pris dans les filets trouve un écho dans les propos de Perceval, et surtout dans ceux de Kaylet : « Oh ! quelle pièce ! Oh ! quel monstre ! Il a des écailles comme de l'argent ! Il brille comme la cotte du chevalier ! » Une telle réplique prêtée au bouffon du roi Amfortas, par l'usage d'un vocabulaire où domine le champ lexical de l'éclat ou de la lumière, par l'emploi d'une métaphore et de deux comparaisons qui mettent en évidence l'aspect étonnamment ample ou lumineux du poisson aux yeux de Kaylet, par la multiplication des interjections ou la présence répétée de l’exclamation dans ses phrases, nous fait, à l'évidence, prendre conscience de l'effet de fascination produit sur lui par cette scène et par l'action qu'a pu accomplir Perceval : celui-ci ne vient‑il pas, en effet, de ramener, à mains nues, le fabuleux poisson au rivage ? L'enthousiasme avec lequel Kaylet "bat des mains" est à la mesure de l'admiration qu'il porte au chevalier, admiration lisible dans ses "yeux ronds" fixés sur lui... Mais une telle fascination, à l'égard du merveilleux n'est pas partagée par tous les personnages. Au‑delà de ce deuxième niveau d'interprétation, le lecteur peut encore observer comment, à travers l'attitude hostile manifestée par Amfortas envers le magique, le dramaturge suggère l'intention qu'a le détenteur du pouvoir de manipuler et de piéger le jeune Perceval : sous ce rapport, l'insistance avec laquelle Amfortas qualifie le chevalier de "si jeune" ne constitue‑t‑elle pas une double menace (menace ressentie par Amfortas lui‑même dans la personne d'un possible candidat à sa succession et menace à peine voilée du roi à l'adresse d'un être plein de naïveté dans son inexpérience et dans sa jeune vie) ? Comme on le voit, dans cette double intimidation, peut se lire le dessein d'Amfortas ou ce qui le motive. Et, dans ce sens, la comparaison par laquelle Kaylet associe le poisson saisi et Perceval semble préfigurer, aux yeux d'un lecteur ou d'un spectateur attentif, la future capture du chevalier. A partir de cette signification, le lecteur peut enfin soutenir que l'auteur identifie, dans les prises de position opposées des différents acteurs de la scène, les postulations contradictoires de l'humanité à l'égard du magique qui révèlent, à ses yeux, le tragique de l'existence humaine...

Une fois acquises les méthodes de l'approche structurale, permettant une saisie globale de l'oeuvre, et celles qui permettent une lecture microanalytique d'un texte bref ou d'un fragment d'une oeuvre intégrale (fût-elle une pièce de théâtre), une question se pose, celle du rapport entre ces deux niveaux de lecture. Une telle investigation pourrait prendre la forme d'une approche comparée entre les résultats acquis aux niveaux global et local d'une même oeuvre, approche qui rejoindrait, de toute évidence, les principes mêmes du structuralisme anthropologique postulant l'identité des structures dévoilées localement et globalement dans une réalité étudiée.

Nous pourrions, par exemple, évaluer notre lecture de l'extrait du roi pêcheur réalisée selon les procédures correspondant au modèle préconisé par Jakobson et LéviStrauss, dans leur commentaire des "Chats" de Baudelaire, à la lumière des structures repérées et analysées selon l'autre modèle emprunté à l'article du célèbre anthropologue intitulé "La structure des mythes". Rappelons que l'approche structurale de type microanalytique utilisée pour le texte bref situait l'analyse au niveau des éléments du discours, tandis que, de type plus synthétique, celle utilisée pour l'oeuvre établissait cette analyse au niveau des éléments mythiques ou desconstituants complexes du récit.

Une telle différence de degré ou d'échelle dans les unités élémentaires de l’analyse rend-elle du même coup inaccessible, la vérification du postulat structuraliste, interdisant toute perception d'une identité des structures ?

Pour répondre à cette question, il convient d'abord de vérifier la représentativité du fragment par rapport à l'oeuvre intégrale. Si l'on se réfère au tableau correspondant à l’approche macroanalytique, vu plus haut, on remarque une bonne figuration du texte, qui fournit, à lui tout seul, cinq mythèmes ou cinq phrases. Ajoutons que celui-ci aurait pu, par ailleurs, offrir d'autres éléments significatifs : c’est ainsi, d'une part, que la colonne VII correspondant au trait commun "crainte ou saisissement" pourrait être enrichie du mythème suivant : "Kaylet est pris de crainte devant l'ampleur de la prise" ; c'est ainsi, d'autre part, que devrait être intégré à la colonne II représentant des éléments relevant tous du trait "opposition" une phrase ou un mythème tel que : "Amfortas réfrène et désapprouve l'enthousiasme de Kaylet". La représentativité du fragment par rapport à l'oeuvre étant reconnue, il est nécessaire de vérifier si les éléments repérés par les deux analyses, à défaut d'être tout à fait de même nature, sont sinon assimilables, du moins comparables.

Examinons, de ce point de vue, les procédés utilisés, dans l'une et dans l'autre approches, pour le repérage des éléments d'analyse. La méthode par laquelle les colonnes du tableau ont été établies n'est pas sans quelque rapport avec la méthode qui a permis, dans une approche microanalytique du texte bref, de regrouper les mots du texte dans un même ensemble lexical ou thématique. Dans l'un comme dans l'autre cas, en effet, il y a au moins un trait commun qui réunit les éléments regroupés, propriété sans laquelle ne serait pas possible un étiquetage de l'ensemble (colonne ou champ lexical) au moyen d'un titre générique. Quant à la classification des éléments (mots ou phrases), elle se réalise aux deux niveaux, suivant la même démarche procédant par écart et par association par rapport aux ensembles déjà constitués, ensuite par rapport à d'autres éléments existants. S'il faut bien admettre une relative équivalence entre les colonnes du tableau d'une part et les champs lexicaux d'autre part, ce que la lecture comparée des deux états d'analyse confirmerait, une telle relation existe‑t‑elle entre les mêmes colonnes du tableau et un autre signe, tel que les comparaisons ou les métaphores ? Reconnaissons tout d'abord que ces signes sont fondés, eux aussi, sur le principe de l'analogie ou de l'association. Une telle analogie a‑t‑elle quelque chose de commun avec celle qui est au principe de la constitution des colonnes ? Observons, sous ce rapport, la comparaison de Kaylet, qui assimile le poisson dans son aspect brillant et lumineux à la "cotte du chevalier". Une telle image n'est-elle pas, par delà l'expression de la fascination de son personnage, un moyen par lequel l'auteur nous invite à associer le poisson et Perceval dans un même "éclat" et dans une même "lumière" et donc à considérer ce trait commun comme constituant un ensemble particulièrement significatif du texte et de l’œuvre toute entière ? De fait, les métaphores et les comparaisons semblent bien fonctionner, au niveau du texte, comme des indices révélateurs des structures profondes de l'oeuvre.

Ainsi, dans la mesure où les éléments pris en considération dans les deux approches, pour distincte que puisse être leur échelle, sont en réalité, à bien des égards, comparables , sinon assimilables par leur contenu et par leur nature, dans la mesure où l'établissement des relations entre ces faits formant structures et significations repose sur les mêmes principes, on ne s'étonnera pas que les significations obtenues au moyen de ces deux approches coïncident ou du moins s'accordent largement. C'est à cette conclusion qu'aboutirait une lecture croisée de celles-ci. Il ressort de la confrontation entre ces deux analyses une même incertitude entre désir et crainte, une même contradiction entre adhésion et dérision à l'égard du magique, un même paradoxe fondamental entre l'épique et le tragique. Le postulat du structuralisme anthropologique qui se trouve ainsi vérifié, dans une large mesure, à travers l'identité des structures et des significations invite le lecteur à concevoir un autre rapport au texte littéraire, fût-il un texte bref ou le fragment d'une oeuvre longue.

Comment, en effet, de telles significations se répétant à des niveaux différents de l'oeuvre n'auraient‑elles pas une valeur et une validité plus générales ? S'il est vrai, d'une part, que l'approche structurale appliquée au roi pêcheur a permis de reconnaître dans le système et les structures de l'oeuvre "les structures du mythe", et s'il est vrai, d'autre part, que ces mêmes structures sont également identifiables dans un simple fragment de l'oeuvre étudiée, il s'ensuit que le texte bref lui‑même est non seulement justiciable d'une approche structurale, mais que ce texte contient bien les mêmes propriétés structurales que l’œuvre dans son ensemble.

Étant acquis les principes et les concepts propres à l'approche structurale, étant acquises les procédures impliquées dans son application à une oeuvre longue ou à un texte court, il paraît légitime de prolonger la réflexion par l'examen des critères de validité d'un discours sur l'oeuvre tenu à partir de cette approche.

Comment réaliser comme lecteur "l'attitude de lecture idéale que demande le texte", selon les propres mots de Mickaël Riffaterre ? On admettra tout d'abord que la sélection des faits et leur mise en relation sous forme de structures significatives doivent se conformer à des exigences d'objectivité. La projection de sa propre subjectivité n'a pas toujours été évitée par les critiques eux‑mêmes, si l'on en croit Mickaël Riffaterre : "Là où les formalistes français achoppent, [lui] semble‑t‑il, c'est que leur sélection d'un modèle structural applicable au texte revient souvent à sélectionner une mythologie différente de celle du texte" 96 . Pour éviter d'être conduit, dans le processus d'abstraction, à projeter ses propres constructions subjectives, le lecteur devra suspendre son jugement, recommande‑t‑il dans son chapitre intitulé "Critères pour l'analyse du style", « avant de construire une structure que tous les signaux collectés lui imposent par leur interférence et leur convergence une interprétation qui les prenne tous en compte. » 97 En définitive, on reconnaîtra qu'une interprétation est lisible dans un texte au critère de "perceptibilité" : les structures ne doivent pas être "observables seulement dans le texte, renchérit‑il ; il faut les observer, pour ainsi dire, à l'intérieur du lecteur lui‑même" 98 . C'est dire que le texte peut être défini, à l'égal du style, comme un système "qui impose certains éléments à l'attention du lecteur 99 . S'il y a un effet recherché auprès des lecteurs, sa "mise en relief" ne peut passer inaperçue.

La compréhension authentique d'un texte ou d'une oeuvre et la validité du métalangage critique se mesureront dès lors à l'isomorphisme de ce discours par rapport au texte, à "la cohérence du système structural choisi et à l'exhaustivité de la description" 100 . Tant que l'isomorphisme n'est pas complètement assuré, tant que la cohérence des structures du texte n'est pas rendue lisible en clair dans les structures du discours critique, tant que le texte, en un mot, offre une résistance, il convient de modifier l'arrangement des structures, « et ceci jusqu'à ce qu'une pertinence totale soit obtenue » 101 .

Il convient maintenant d'évaluer les mérites et les limites de l'approche structurale, tant sur le plan théorique que sur le plan didactique.

Notes
86.

Jakobson (Roman), Lévi-Strauss (Claude), "Les Chats de Baudelaire", L'homme, 2, 1962 (5-21).

87.

Ibid.

88.

Monod (Richard), Les textes de théâtre, Paris, Cédic, 1977.

89.

Voir Dort (Bernard), « Le texte et la scène : pour une nouvelle alliance », Encyclopaedia Universalis, supplément Les enjeux, 1988, pp 234-241.

91.

L'indice numérique placé en tête signale l'ordre des indications scéniques.

92.

Gracq (Julien), Le roi pêcheur, Paris, José Corti, 1948, Acte II, p. 72: «On entend un bruit de rames sur le lac. Voix animées qui semblent partir d'un bateau, derrière l'éminence de la rive ».

93.

Monod (Richard), Les textes de théâtre, Paris, Cédic, 1977, p.96.

94.

Ibid.

95.

Monod (Richard), Ibid.

96.

Riffaterre (Mickaël), Essais de stylistique structurale, Flammarion, 1971, p.273.

97.

lbid., p.44.

98.

Ibid., p.278.

99.

Ibid., p.31.

100.

Ibid., p.275.

101.

Ibid., p.175.