7.1. De l’acte de la lecture qui, en prenant des indices, fait de l’œuvre littéraire un objet.
7.1.1. La notion d’objet.

Il n’est pas usuel de parler de l’oeuvre littéraire comme d’un objet. Ce qualificatif se retrouve certes dans le discours des critiques structuralistes ou sociocritiques, mais la représentation, que se font habituellement lecteurs ou critiques de l’oeuvre littéraire, exclut une telle dénomination qui paraît dévalorisante. Pourtant la notion d'objet a toujours eu cours chez les philosophes ou les chercheurs pour désigner la réalité de leurs investigations. Un bref rappel des définitions ou des acceptions prises successivement par le terme « objet » paraît indispensable. Reconnaissons tout d’abord que le mot « objet » côtoie fréquemment celui de « fait », sans toutefois s’identifier à lui. S’il est vrai que le « fait » ne recouvre qu’un aspect partiel de la réalité observable et qu’il désigne une réalité elle-même reproductible, l’objet, quant à lui, conserve toujours une certaine unicité et constitue le domaine cerné de la recherche ou de l’investigation. L’objet dont nous parlons n’est pas l’objet que les philosophes antiques ou classiques désignaient par ce terme. L’oeuvre littéraire, dans la lecture telle que nous l’entendons, n’est pas une réalité définie antérieurement à son investissement par le lecteur. Elle se présente plutôt, dans une démarche inductive, comme le résultat d’une construction établie à partir d’un repérage d’indices ou de faits. Ceci étant, doit-on conclure à l’objectivité de l’objet ainsi construit ? L’oeuvre littéraire est-elle réductible à une réalité objective particulière ? Peut-on rendre compte de l’oeuvre littéraire sous la forme réduite d’un objet particulier ? Sous quel angle de vue l’objet devra-t-il être saisi ? Une seule perception-source de l’objet, une seule approche de l’oeuvre littéraire, une formation qui privilégierait la découverte de l’objet par un seul angle de vue ne seraient pas sans conséquences sur l’appropriation de l’oeuvre littéraire par l’élève-lecteur, sur la nature et sur la qualité des objets qu’il produirait lui-même à partir de sa lecture et, au-delà de sa lecture, sur la nature et la qualité des relations qu’il aurait au monde, dont fait partie l’objet et auquel il participe lui-même.

Une fois admise la réalité de l’objet à construire, il importe d’indiquer quels sont les éléments qui permettent au lecteur d’élaborer et de définir cet objet. Pour ce faire, il convient de revenir sur les notions d'indice, de signe et de lecture.