7.1.2. Indice et signe.

La notion d’indice, utilisée par les diverses disciplines scientifiques, désigne un fait qui révèle l’existence d’une chose. Charles Sanders Peirce 1 utilise et définit ce terme par opposition à « icône » et à « symbole » en se fondant sur la définition scientifique du mot et sur le rapport non-conventionnel de contiguïté avec la réalité révélée ou signifiée qu’il implique. La fumée peut être considérée comme l’indice de la présence d’un feu. L’inspecteur de police repère le passage du malfaiteur à des indices laissés par lui à son insu. Les indices peuvent ne pas être perçus par celui qui les a produits, ou par celui qui pourrait ou devrait les percevoir. Cette caractéristique n’est-elle pas celle en jeu dans l’échange réalisé entre le créateur de l’oeuvre et son lecteur, à tel point que, lorsque l’auteur souhaite que son oeuvre soit reçue et interprétée dans un certain sens, il valorise et accentue la perceptibilité de certains indices, ne serait-ce que par leur répétition ou par leur préparation ? Tant qu’il n’y a pas de volonté de les repérer et de les interpréter, l’oeuvre reste à l’état de non-objet ou de lettre morte.

La notion de signe, pour être souvent confondue avec celle d’indice, n’en est pas moins distincte. Le signe, comme l’indice, est un fait perceptible et observable qui laisse prévoir et qui indique une réalité. S’y ajoute une notion d’intentionnalité, que celle-ci soit consciente ou inconsciente, qu’elle soit inscrite dans l’acte du producteur, ou qu’elle lui soit prêtée par le lecteur au moment de la réception, réception elle-même conduite sous l’influence d’une démarche, ou sous l’influence d’une situation individuelle ou collective contraignante. On admettra également que le signe se situe à un autre niveau de complexité que l’indice. Comme lui, il a une partie matérielle observable, le « signifiant » suivant la dichotomie saussurienne (ou le « representamen » chez Peirce). Mais, à la différence de l’indice, qui n’évoque, aux yeux de son observateur, une autre réalité qu’en vertu d’une relation de contiguïté, le signe a une partie conceptuelle abstraite, le signifié, qui représente, à titre de substitut, la réalité évoquée. La relation entre le signifiant et le signifié présente plusieurs caractéristiques. S’il est vrai que cette relation repose sur un certain arbitraire, lequel va compliquer la tâche du lecteur, il est vrai aussi que la relation entre signifiant et signifié exige du lecteur des capacités de perception, de discernement et d’interprétation plus élevées.

Notes
1.

Peirce (Charles Sanders), Ecrits sur le signe, (traduction et commentaire de G. Deledalle), Paris, Le Seuil, 1979.