7.2.3. L’approche sociocritique fait du texte un objet social produit par une société à un moment donné de son histoire.

Quels rapports le texte entretient-il avec la réalité sociale de référence ? Dans quelle mesure les signes retenus dans le texte sont-ils dans un rapport d’indices, d’icônes ou de symboles avec la réalité ayant environné sa production et l’ayant déterminée de ses contraintes ? Dans un premier temps, le lecteur peut être sensible à un certain nombre d’indices ou de traces d’une inscription du contexte dans le texte (préface, niveau de langage, références biographiques, objets, mentalités, figures représentatives d’une époque ou d’une classe sociale ...). Dans un deuxième temps, la lecture peut découvrir, notamment dans une oeuvre du type narratif, tel qu’un roman, la société de l’oeuvre en mettant en évidence, à partir d’indices ou de motifs qui la révèlent, la présence d’une société structurée et hiérarchisée. Quelle est la nature de ces indices ? L’appartenance d’un personnage à une catégorie sociale (sexe, âge, classe sociale, etc.) s’impose d’évidence ou peut faire l’objet d’une investigation particulière de la part du lecteur. Le vêtement, le langage, les fréquentations, les mentalités lui permettent de différencier les classes sociales comme autant de groupes humains spécifiques et de mesurer le rapport social entre les personnages à partir de leurs diverses appartenances. Dans un troisième temps, le lecteur peut entreprendre de découvrir la vision du monde qui prédomine dans une oeuvre, suivant la démarche mise en avant par L. Goldmann. Entreront dans ce processus d’analyse de l’oeuvre, différents indices ou signes tels que les thèmes récurrents, la position ou les transformations acquises ou subies par les personnages, l’état final de ces transformations. Parmi ces éléments, pourront être considérés, stricto sensu, comme des indices, les éléments en relation de contiguïté ou de connexion causale avec la réalité de référence. C’est ainsi que Le roi pêcheur de J. Gracq nous offre le spectacle d’une société médiévale déliquescente. On considérera comme indices de cette déliquescence la laideur des lieux ou l’affaiblissement physique des chevaliers. On emploiera le terme « d’icônes » pour désigner un fait textuel ou une figure reproduisant, dans ses caractéristiques formelles, un phénomène social ou historique de référence. Clingsor, le sorcier du Château Noir qui se dissimule pour mieux surprendre la société de Montsalvage, correspondrait iconiquement à l’envahisseur nazi cherchant à subvertir la société française contemporaine de la production de l’oeuvre. On réservera le mot « symbole » pour représenter une relation au référent s’effectuant par le biais de signifiants conventionnellement reconnus. Le roi blessé peut symboliser, dans ce sens, l’état de décrépitude de la société française et plus généralement des classes au pouvoir en Europe à cette époque.

Dans un quatrième temps, s’appuyant sur le modèle d’analyse préconisé par P. Bourdieu, le lecteur peut repérer le champ du pouvoir de l’oeuvre. Cette modélisation faite, il s’agira d’identifier, à divers indices, la position qu’a privilégiée l’auteur dans ce champ du pouvoir, position qui devient iconique de la prise de position de l’auteur lui-même dans le champ littéraire, c’est à dire le champ contemporain de production des oeuvres.

Dans un cinquième temps, croisant la démarche d’Althusser et son concept « d’idéologie » définie comme le moyen par lequel une société ou son élite sociale ou intellectuelle assure le maintien et la survie de son pouvoir, le lecteur se met en quête des indices manifestant les contours idéologiques de l’oeuvre, notamment à travers les diverses attitudes des personnages, ou les discours qu’ils profèrent.

Ainsi on constate que les diverses approches qui constituent la sociocritique mobilisent une variété d’indices qui, par certains côtés, réévaluent la démarche sociocritique elle-même et lui donnent un certain crédit.