7.2.5. L’approche thématique fait du contenu du texte un objet formel, marque spécifique d’un auteur.

Le thème qui est un élément sémantique s’avère, par nature, d’autant plus difficile à saisir que la méthodologie mise en usage par les thématiciens ne s’appuie pas sur une technicité très développée. S’impose tout de même, parmi le vocabulaire utilisé par cette approche, la distinction proposée par T. Todorov entre « thème » et « motif » 2 6. Le thème, étant une réalité générale que l’on rencontre, à l’état pur ou interprété, dans une oeuvre particulière, se manifeste dans cette oeuvre à travers différents motifs ou variations qui lui donnent sa tonalité et sa coloration particulières. On considérera comme indices de la présence du thème ou du motif un certain nombre de signaux tels que des événements, des images, ou des champs lexicaux qui se répètent dans le texte. La présence de tels indices invite le lecteur à les identifier, à les rassembler sous une étiquette commune, à désigner à travers eux une réalité qui leur est commune et propre en référant ces indices et les thèmes ou motifs qu’ils désignent à une typologie thématique générale externe au texte. S’il est vrai que l’approche thématique se définit plus, comme on sait, par son caractère sélectif et discriminant que par son caractère interprétatif 2 7, et s’il est vrai que chaque lecteur va rendre compte du texte à partir d’une sélection d’indices et de traits qui lui seront propres, une telle lecture ne doit pas perdre de vue pour autant le texte ni ses signes. Une fois qu’il a identifié les thèmes principaux du texte, qu’il a constitué la constellation thématique de chacun d’eux en faisant apparaître ses motifs ou variations comme autant d’indices de sa présence, le lecteur peut, en se fondant sur le rapport entre le texte et l’intertextualité de l’œuvre, considérer les thèmes dégagés comme des indices d’une thématique plus générale, celle de l’univers imaginaire d’un auteur, reconnaissable à certains traits particuliers et à une coloration toute singulière. Les thèmes ou leurs motifs deviennent eux-mêmes alors des indices, pour ne pas dire des signes prenant valeur de symboles, au moins aux yeux du lecteur familier de l’auteur, de son monde imaginaire et de la configuration générale de ses thèmes, au point que ce lecteur peut voir dans cette réitération des thèmes ou des motifs le principe organisateur de l’oeuvre. Mais une telle désignation ne s’improvise pas et ne peut s’opérer qu’à différents niveaux du signe thématique. Ces différents niveaux d’appréhension pourraient du reste être décrits dans les termes de la classification générale des signes proposée par C. S. Peirce 2 8 et spécialement à travers la distinction qu’il établit, dans l’analyse du signe en soi, entre « sinsigne », « légisigne » et « qualisigne ». Au premier niveau d’une approche thématique, le signe convoqué par le lecteur, étant de l’ordre du mot, de la figure ou de la chose correspondrait au « sinsigne », défini comme signe concret. Au deuxième niveau, le signe organisé en réseau, devenant motif ou thème, serait conforme à la définition du « légisigne », signe abstrait. Ces différents signes appréhendés dans leur qualité particulière, dans leur tonalité spécifique, devenant les signes caractéristiques d’un univers imaginaire particulier, seraient alors pris comme « qualisignes ».

Notes
2.

6 Todorov (Tzvetan) et Ducrot (Oswald ), Dictionnaire encyclopédique des Sciences du Langage, Paris, Le Seuil, 1972.

2.

7 Smekens (Wielfried), art. thématique dans Méthodes du texte, op.cit.

2.

8 Peirce (Charles Sanders), Collected Papers, Cambridge (Mass),The Belknap Press of Harward Univ. Press, 1931-1938 .