8.1.1. Application des diverses approches au même texte.

8.1.1 1. Approche thématique du texte.

On se souvient que la première étape de cette approche consiste à inventorier les thèmes ou leurs variations. De façon à ne pas alourdir la présentation de la méthode, nous choisissons de communiquer directement le résultat des recherches effectuées sous la forme organisée des constellations thématiques qui correspondent à la deuxième étape de l’approche thématique. Celle-ci consiste en effet à modéliser et à déployer les thèmes du texte selon les motifs et les variations qui les constituent en réseaux. Dix thèmes et leurs constellations permettraient de rendre compte des principaux ensembles thématiques structurant le texte.

La modélisation du thème étant acquise, la troisième étape de l’approche thématique consiste pour le lecteur à produire un discours sur le texte à travers ses thèmes et leurs motifs. S’il est vrai, comme l’affirment O. Ducrot et T. Todorov dans leur Dictionnaire encyclopédique des Sciences du Langage, que « motif et thème se distinguent [...] avant tout par leur degré d’abstraction et partant, leur puissance de dénotation »3, il s’ensuit que le discours du lecteur sur le texte peut se situer à deux niveaux de généralité, soit celui d’un thème et de ses motifs, soit celui du texte et de ses thèmes. Voici, à titre d’illustration, ce que pourrait élaborer un jeune lecteur se donnant comme objectif de décrire les constellations des thèmes de l’aventure et du tragique.

L’aventure est un thème récurrent dans le discours de Perceval et d’Amfortas. Ce discours étant historiquement situé dans le contexte de la chevalerie médiévale, on ne s’étonnera pas de trouver, dans les répliques de l’un ou de l’autre, des termes évoquant la chevauchée ou l’amitié qui se noue entre chevaliers chevauchant « épaule contre épaule » et affrontant l’ennemi commun dans des combats héroïques. Cette action, ici incarnée par le jeune Perceval, exige de la part des chevaliers courage et fermeté dans l’élan et mobilise toute leur énergie. Dans l’espace du Monde librement ouvert devant eux, ils s’avancent au devant de leur destin, emportés qu’ils sont dans une quête que nourrit leur rêve. La liberté d’une telle aventure ne tient pas seulement aux virtualités de leurs jeunes années, elle est aussi le fait d’une vitalité qui se renouvelle constamment au contact de la nouveauté et de ses risques.

Le tragique se manifeste aussi comme un thème fédérant de nombreux motifs ou variations dans le texte. Associé à un lieu marqué par la désolation et la dégradation, Montsalvage, le tragique est aussi lié au monde de la nuit, à celui de l’ombre et de l’obscurité. Amfortas y incarne dans sa propre personne, perçue comme un signe de mauvais augure, le tragique humain fait de lucidité et de désespoir. L’homme tragique, « tournant le dos au soleil » » comme Montsalvage, se complaît dans l’immobilité et s’enferme dans la contemplation du passé, douloureusement conscient du poids de l’ombre et de la mort qui pèse sur son existence.

Au-delà d’un discours développant un thème et ses variations, le lecteur, se situant au niveau de l’ensemble des thèmes fondamentaux structurant le texte, peut rendre compte de celui-ci à travers une synthèse décrivant la configuration des thèmes qui le constituent. Voici, pour illustration, ce qu’un jeune lecteur, partant des dix thèmes dégagés par l’inventaire précédent, peut produire comme discours exposant la configuration thématique générale du texte.

‘« Dans le cadre du monde médiéval, le texte met en scène une rencontre entre un chevalier solaire, être de lumière et d’aventure et un roi ténébreux. Cette rencontre, qui est aussi celle de deux univers imaginaires, d’une part celui de la lumière et de la quête magique, d’autre part celui de la nuit et du destin tragique fait apparaître Montsalvage pétrifié comme un royaume désenchanté ».’

Au-delà de telles synthèses, le lecteur peut mettre en relation les caractéristiques de la thématique spécifique au texte avec d’autres réalisations du même auteur pour dégager l’univers imaginaire de son oeuvre.

Notes
3.

Ducrot (Oswald) et Todorov (Tzvetan), Dictionnaire encyclopédique des Sciences du Langage, Paris, Le Seuil, 1972, (coll. « point/essais » p.p. 283/284).