9.1 Ce que n’est pas la lecture anthropologique.

Il nous paraît important de dire ce que n'est pas la lecture anthropologique, d'autant que certains auteurs ont pu contribuer, à partir de leur spécialité, à l'introduction de certains rapprochements sources de confusions.

9.1.1. La lecture anthropologique n'est pas une histoire des mentalités.

La littérature a pu constituer pour les historiens, en particulier pour ceux qui appartiennent à l’Ecole des Annales, une source documentaire riche d'informations, permettant d'évaluer les attitudes et les gestes de la vie humaine. Comme on sait, ces thèmes, ainsi que la vie de famille et le rapport à l’enfance, abondamment traités par l’histoire des mentalités 1 , ont été également souvent traités dans la littérature.

L'oeuvre littéraire fournit à l'historien un matériau important, qui s'ajoute à celui des journaux intimes, des documents notariaux, tout matériau susceptible de lui offrir une image des mentalités d'une époque. Il peut être tentant de considérer comme anthropologique la démarche historique mise en œuvre sur la production littéraire. S'il est vrai que l'oeuvre de Balzac peut aisément se prêter à une lecture de ce type, une telle méthode descriptive reste pourtant extérieure à la dynamique du texte et à ses champs fondamentaux. En effet, pour intéressante que puisse être la démarche de l'histoire des mentalités, cette dernière ne peut prétendre rendre compte du principe structural de l'oeuvre, se gardant d'ailleurs pour elle‑même d'avoir des visées anthropologiques, alors que Balzac, pour reprendre cet exemple, n'a pas caché de telles visées 2 . Ainsi la lecture anthropologique n'a pas pour but de réduire l'oeuvre littéraire à une représentation historico-culturelle, c'est‑à‑dire à faire du texte littéraire le témoin d'une évolution historique des mentalités, mais bien plutôt de rendre compte d'un continuum humain.

Notes
1.

Pelckmans (Paul), « Littérature et Histoire des mentalités », in Méthodes du texte, op. cit., p. 254.

2.

Balzac (Honoré de), Avant‑Propos de, la Comédie humaine, Paris, Gallimard, Bibl. de la Pléiade, vol. 1, 1976, p.720.