9.2.5. C'est une lecture qui s'appuie sur les stratégies et les démarches d'une pensée complexe.

Lorsque la lecture anthropologique prend en compte la complexité de l'oeuvre à travers une pluralité d'approches d'abord, à travers une synthèse interprétative des objets qu'elles ont construit séparément ensuite, cette lecture se situe au-delà des champs strictement disciplinaires et permet "d'articuler les domaines disciplinaires dans un système théorique commun".5 Or les conceptions organisatrices qui sous-tendent cette articulation des domaines spécifiques (ici, en l'occurrence, des champs anthropologiques) constituent ce qu’E.Morin appelle la pensée complexe.

La lecture anthropologique peut être définie, dès lors, comme une illustration de la stratégie liée au concept de pensée complexe dans la mesure où, non seulement, les aspects multiples de la réalité complexe qu'est le texte sont saisis et reliés à un système commun, mais dans la mesure aussi où cette réalité construite ne vise pas à créer une signification unitaire du texte "qui elle même dissoudrait la multiplicité complexe de ce qui est humain"6.

Cette lecture qui se définit de la sorte comme une "métalecture" (le préfixe "méta" soulignant tout à la fois l'action de dépassement et celle de conservation) manifeste un changement de paradigme. De même que ce qui est inscrit dans chaque lecture partielle est nécessaire à la métalecture, de même la métalecture proprement dite est nécessaire et essentielle à chaque approche particulière, "si l'on ne veut pas qu'elle soit automatisée et finalement stérilisée"7.

Ce mouvement alternatif qui règle le rapport entre le système interne et la périphérie et celui, interactif, qui s'établit entre les approches elles-mêmes composent un mouvement qui fait de cette lecture complexe une connaissance animée et une pensée dynamique qui ne sont pas indignes de l'objet de la lecture qu'est l'oeuvre littéraire.

Notes
5.

Morin (Edgar), "Sur la transdisciplinarité", in Recherches, (revue du Mauss), n°10, 2è semestre 97, p.26.

6.

Ibid., p.27.

7.

Ibid.