11.2. La lecture anthropologique est une herméneutique, parce qu'elle met en jeu, dans l'acte de réception de l'oeuvre par le lecteur, l'être même du sujet-lecteur.

11.2.1 la lecture anthropologique est perception des horizons d' attente en tant que limites des attentes de l'auteur et du lecteur.

En effet l'experience de la lecture améne progressivement le lecteur à "discerner les limites à l'intérieur desquelles l'avenir se prête encore à l'attente et au projet." 0 Cette expérience de la finitude humaine, qui situe l'homme dans une situation historique et particulière, est à la fois celle de l'auteur, producteur de l'oeuvre littéraire qui, à travers son oeuvre, manifeste l'expérience qu'il a pu faire de sa propre historicite et cela, dans les différentes dimensions de celles-ci, et celle du lecteur, qui dans son interprétation de l'oeuvre va faire une expérience herméneutique comparable. Mais comment les expériences séparées de l'auteur et du lecteur parviennent-elles à se rencontrer dans la compréhension de l'oeuvre, nous nous en tiendrons à la réflexion de Gadamer qui affirme que "la tâche de l'herméneutique est d'élucider ce miracle de la compréhension, qui n'est pas communion mystérieuse des âmes, mais participation à une signification commune." 0 Or cette conception de la lecture comme participation que Gadamer décrit dans les termes d'une "fusion des horizons de compréhension" et qui est à l'origine des théories de la réception fait toucher au lecteur une autre dimension de la finitude. En effet, si l'on admet avec Hans-Robert Jauss que "décrire la réception de l'oeuvre", c'est d'abord reconstituer "l'horizon d'attente de son premier public" 0 , c'est-à-dire le système de représentations et de connaissances qu'a le lecteur immédiat de l'oeuvre, et que la lecture anthropologique fournit au lecteur, à travers les différentes approches, les modalités susceptibles de permettre la reconstitution ses horizons d'attente, le lecteur prend conscience de la "différence herméneutique" 0 entre le présent et le passé dans l'intelligence de l'oeuvre et prend conscience de la nécessité de réaliser une histoire de la réception des oeuvres. Ce faisant, il en viendra à récuser la fausse évidence "d'un sens objectif une fois pour toutes arrêté et immédiatement accessible à l'interprête" 0 et fera ainsi l'expérience d'une autre forme de la finitude.

Notes
0.

Gadamer, op.cit, p 380.

0.

Gadamer, op.cit, p.313.

0.

Jauss (Hans Robert), Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1978, p.54

0.

Ibid. p.63.

0.

Ibid, p.64.