12.1.5. L’approche psychocritique donne au lecteur le moyen d’identifier ses structures profondes et de se développer par une conscience accrue des choix qu’il opère dans son discours et dans ses actions.

Les méthodes de lecture élaborées autour de la psychocritique familiarisent le jeune lecteur avec les concepts et les démarches liées à la psychanalyse. En facilitant l’identification dans l’oeuvre des traits personnels formant l’expression, pour ne pas dire la représentation, des structures profondes de la personnalité de l’auteur, l’approche psychocritique amène progressivement le lecteur à prendre conscience et connaissance des enjeux psychologiques de sa lecture, enjeux qui ne concernent pas simplement les héros des ouvrages qu’il lit, ni seulement l’inconscient des auteurs de ces ouvrages, mais qui touchent à son propre discours et à ses propres actions, c’est-à-dire qui engagent sa propre structuration personnelle. Et il peut découvrir dès lors, que notre propre discours et que « ce que nous faisons ainsi, pour reprendre les mots de Paul Valéry, nous fait nous-mêmes plus que nous le faisons » 0 .

C’est ainsi que si le jeune lecteur du roman de Balzac voit dans Le père Goriot la formulation d’une volonté d’accomplissement personnel illimité dans le cadre nécessairement fini de la condition humaine, une telle interprétation peut constituer, pour lui, une invitation à prendre conscience des limites plus ou moins étendues et plus ou moins « réelles » ou imaginaires dans lesquelles il a choisi consciemment ou inconsciemment d’inscrire sa propre réalisation personnelle.

Cette lecture ainsi conçue, qui n’est pas seulement élucidation distanciée des structures inconscientes d’autrui, mais qui fait sa part à ce qu’il peut y avoir, dans le discours commentatif, d’expression de choix personnels plus ou moins conscients, mais toujours déterminants pour l’être du sujet, cette même lecture qui n’est pas seulement constatation de structures fixées (qu’il s’agisse de celles d’autrui, ou des siennes propres qui auraient pour effet de figer l’image de soi et de celle de l’autre dans des déterminations quasi ontologiques), peut être l’occasion , pour le jeune lecteur, dans la mesure où les enjeux de sa formation et de son développement personnels sont intégrés et réappropriés par lui, d’initier un nouveau rapport au monde, aux autres et à sa propre existence.

Par l’accroissement de la conscience de ses choix personnels et existentiels qui rejoint les conditions de la « psychanalyse existentielle » 0 chère à J.P. Sartre, l’élève tend à acquérir progressivement la « liberté d’ordre supérieur » dont parle P. Valéry, mais une liberté qui, en l’occurrence, ne soit pas seulement « dans l’ordre de l’intellect » 0 , mais dans celui de l’être et du devenir.

Notes
0.

Valéry (Paul), «L’homme et la coquille », in Etudes philosophiques , in Variété, Biblio. de la Pléiade, Paris,  Gallimard, 1957, p.895.

0.

Sartre (Jean-Paul), L’être et le néant, op.cit., pp. 602-620.

0.

Valéry (Paul), « Le bilan de l’intelligence », Essais quasi politiques, in Variété, op. cit., p.1083.